Oumou Sy, une battante

Article : Oumou Sy, une battante
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15 mars 2013

Oumou Sy, une battante

FSL’aventure de Fatimata, de son doux Gandiol natal à la tumultueuse capitale sénégalaise, rappelle bien celle de Maimouna, l’anti-héroïne du roman éponyme d’Abdoulaye Sadji. Toutes d’eux sont des filles issues de la profonde Afrique paysanne.

Reste qu’entre Oumou et Maimouna, les dissemblances ne manquent pas. Si la villageoise infortunée de Sadji est jolie, rêveuse et innocente, Fatimata, quant à elle, en plus d’être réaliste, est une travailleuse avertie.

Le parcours d’Oumou Sy n’est pas étonnant, mais il ne laisse pas d’être exemplaire. Née il y a vingt cinq ans à Dégou-Niayes, cette jeune maman de deux enfants est la première-ou l’une des premières villageoise(s) de chez elle à quitter le Gandiol à la recherche du travail. Et pas n’importe lequel. Puisque n’ayant pas eu la chance d’aller à l’école, le métier de bonne est le seul qui se soit ouvert à elle. Elle s’y est alors « engouffrée » pour servir à Dakar. Ayant reçu une éducation quelque peu austère, celle qu’on surnomme Fatimata a le cœur forgé par l’indigence. Une situation dans laquelle elle a grandi et vu évoluer ses parents.

Après des démêlées à n’en plus finir avec son époux, Oumou Sy a mis fin à son premier mariage. Son remariage est une suite de déboires. C’est alors qu’elle a décidé de prendre son destin en main en cultivant de l’oignon. Et pourtant, son physique de fille – pas vraiment costaud-, une taille d’un mètre soixante ne plaident que peu pour ce genre de travail. Voilà ce qui l’a surtout décidée à « s’  exiler » de son doux terroir.

D’un abord facile, le sourire souvent accroché au coin des lèvres, la jeune peule a de la distinction. Une force puisée dans une foi à toute épreuve selon ses proches. Son moment préféré, nous confie-t-elle, c’est le vendredi, grand jour pour les musulmans. Ses projets ? Un, un seul, cette obsession : pèlerinage aux lieux saints de l’Islam. Issue d’une famille maraboutique conservatrice, la jeune Oumou rame à contre courant de la mode dakaroise. Elle ne manque d’ailleurs pas d’ironie pour fustiger l’habillement des filles qu’elle estime trop indécent.

Le nouveau cadre de vie de Fatimata  est une jolie maison, située à Ngor Yoff qui donne sur la mer. Oumou y trouve un confort qui lui fait souvent oublier son passé difficile dans les rues solitaires du Gandiol.

De ses voisines, un témoignage unanime : « C’est une fille généreuse et travailleuse ». La jeune Gandiolaise n’a jamais rompu les amarres avec la contrée qui l’a vu naitre et grandir. Elle  refuse d’abdiquer devant le déshonneur, l’autre nom de l’exclusion sociale au village.

Fatimata est, comme qui dirait, obsédée par ce combat contre la fatalité qui voudrait qu’elle attende tout de ses parents. Elle jouit de l’affection particulière d’un père qui veut la voir heureuse. Des regrets ? Oumou en a : « la malchance de n’avoir pas fait des études à l’école française ». Un coup du sort qu’elle rumine sans cesse, mais pour lequel elle ne manque pas d’explication : « j’étais malade… », propos que vient entrecouper un bégaiement qui, visiblement, l’indispose.

A vingt cinq ans, la jeune villageoise entretient encore l’espoir de s’inscrire à l’école française pour rattraper ce temps qu’elle estime perdu.

En dépit de ses divorces nombreux, Fatimata n’a aucune rancune à l’endroit du « premier sexe » : « Dans ce pays, il y a de bons hommes. Ce n’est pas facile de les rencontrer C’est la femme qui doit, en toute patience, persévérer ». De ses souvenirs, un de frissonnant, au moins, la marque durablement : le premier jour où elle devait cuisiner chez sa patronne, à Ngor.

Ce matin là, nous raconte-t-elle, elle a beaucoup hésité avant de passer à la préparation du déjeuner. Et lorsque le repas a été servi, elle a été très ravie de constater qu’elle n’était pas aussi nulle dans l’art culinaire. Chance qu’elle doit peut-être à son Gandiol où très tôt, les filles reçoivent une éducation très féminine.

Au lieu de subir le destin, Oumou Sy a bien voulu en être la maitresse. Fatimata serait, sans peut-être qu’elle s’en avise, une existentialiste sans le mot, en faisant sien ce propos de Sartre : « l’homme n’est que ce qu’il se fait de lui-même ».

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Commentaires

Bintou
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Voilà une histoire que j'apprécie, bravo à fatimata, elle a compris qu'il faut batailler ferme pour s'en sortir. On n'a pas besoin d'être féministe pour être une brave. chapeau.