L’art de l’obstruction en politique

Article : L’art de l’obstruction en politique
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7 janvier 2013

L’art de l’obstruction en politique

Source: https://www.homeviewsenegal.com
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Nos apprentis politiques seraient-ils en train de jouer les prolongations de l’élection présidentielle de Mars dernier ? Tout conspire en tous les cas à le suggérer. Parce qu’au fond, ce qui se joue et se déjoue dans ces audits qui font notre actualité politique, c’est, d’un côté, un camp qui désire que le cours de l’histoire avance à pas de charge et, de l’autre, une clique réduite plus à défendre qu’à attaquer. Et dans ce rôle ingrat auquel le train des choses les a confinés, les libéraux se débattent pas mal ; n’hésitant pas à sortir la grande artillerie, fût-elle contreproductive, voire ridicule.

Car comment expliquer l’initiative de la motion de censure, sinon qu’elle fait écho à la réalité d’une arène politique minée par des embuscades de toutes sortes ? L’évidente explication -parce qu’elle tombe sous les sens-, c’est que cette motion a pu offrir un temps d’antenne insoupçonné, dans un théâtre aussi symbolique qu’est l’Assemblée Nationale et à un moment aussi accusateur où le PDS  manquait d’opportunité de réplique. Les opposants déçus voulaient cristalliser toutes les attentions sur leur prétendue condition de persécutés. C’est désormais chose faite. Mais à quel prix et pour quels effets ?

Les héritiers de Wade n’ont eu de cesse de chercher le Président Macky Sall sans jamais avoir pu l’avoir. Ils l’ont accusé en effet à plusieurs reprises de ne s’être pas assez clairement expliqué sur sa fortune, d’avoir été enrichi par leur papa d’idéologue, le Président Abdoulaye Wade.

Son talon d’Achille, le Premier Ministre, porteur par définition de la politique du patron Sall, banquier par ailleurs, donc mesuré, « civilisé » et trop timide pour être provocateur, était la cible idéale.  Avec une motion de censure en « Si » et avec du conditionnel, ils se sont attaqués collectivement à lui en associant les pires atrocités à son nom. Et curieusement, -mais peut-être parce qu’il n’est jamais trop tard pour se repentir !-, ils ont cru devoir donner des leçons de morale et d’éthique, quand ce n’est tout simplement de bonne gouvernance. Et ce, parce que, se sont-ils défendus entre autres arguments rapportés par le Journal officiel, qu’ « annoncé comme imminent, le procès de Hissène Habré devant une juridiction ad hoc à Dakar pourrait fragiliser le Premier ministre Abdoul Mbaye (…), si la justice venait à se pencher sur les conditions de gestion des fonds que l’ancien président tchadien a emmenés dans sa fuite précipitée de Ndjaména ».

Si vraiment cette préoccupation est sérieuse, pourquoi n’avaient-ils pas demandé à Abdoulaye Wade de rendre le tablier, quand Président de la République, des faits et témoignages suffisamment probants lui ont imputé la responsabilité de l’assassinat de Maitre Babacar Sèye ? Pourquoi n’avaient-ils pas conseillé leur idéologue de père de « quitter le pouvoir » à la suite du scandale de l’affaire Segura ? Du vote de la Loi Ezzan ayant abouti à la grâce des condamnés dans le meurtre du juge Sèye ?

Pourquoi n’ont-ils pas observé la même logique quand Maitre Ousmane Ngom fut mis en cause par l’opinion sénégalaise et les médias dans la mort du jeune Mamadou Diop ainsi que nombre d’autres acquis à la cause de l’ancien Président de la République ?

Le fait est que, extirpés du pouvoir le 25 Mars dernier, les libéraux ont quasiment perdu toute légitimité. Aux yeux de la majorité de l’opinion, ils ne passent que pour des pillards, dépouillés de toute éthique et de tout patriotisme. Sans la moindre majorité à la représentation nationale encore moins dans le gouvernement actuel, ils n’ont que la rue et l’opinion pour pleurer leur triste sort. En plus –et ce n’en est pas la moindre explication-, le PDS (ou tout au moins ce qu’il en reste) n’arrive toujours pas à envisager Macky Sall, hier un des leurs, compagnon de route, derrière Abdoulaye Wade de qui il devait tout accepter, devenir en l’espace de quatre ans, le Président de la République du Sénégal. C’est à travers ce crible qu’il faut analyser la sortie –et la récidive- de Maitre Amadou Sall.

Incapable de proposer un projet de société pertinent –parce qu’ils viennent d’être désavoués par les Sénégalais lors de la dernière présidentielle-, suspectés de toutes parts et pour des chefs d’accusation en augmentation continue, les libéraux ne peuvent désormais que créer du spectacle médiatique permanent pour exister. Et dans cette perspective, la politique de l’obstruction qui se caractérise par le refus hypocrite de tous les projets de société que se fixe le gouvernement sans la possibilité de leur substituer des idées de rechange.

De ce qui précède, suivra une société des victimes, figure que les libéraux veulent vaille que vaille et à tout prix incarner pour se dérober à la justice. Le seul salut qui puisse faire avancer les débats –au lieu de les crisper-, est de n’avoir cure des émotions et des états d’âme pour se concentrer sur l’essentiel : faire la lumière sur la gestion opaque de ces derniers et avancer. La légitimité du Président Macky Sall se joue sur ces termes.

Ousmane Gueye

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