Université Cheikh Anta Diop de Dakar : Chronique d’une tempête démographique en action
A la descente du bus, après quelques pas, l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar… Un grand chantier, ouvert depuis quelques mois m’accueille devant la grande porte. Je réussis à le contourner-sinon à le franchir- pour me retrouver dans l’enceinte de l’établissement universitaire.
Ici, ce n’est pas Sanar, siège de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis. C’est en effet en vain que je m’attendrais à voir nos vaches et chèvres, notre beau paysage dont le feuillage touffu des arbres vient couronner le tout. Point de talibés-mendiants aussi.
Un peu comme d’habitude, je récidive sur le vocabulaire. Les Universités de Dakar et de Saint-Louis ne partagent pas les mêmes dénominations quant à l’appellation des locaux et de tout ce qui renvoie au volet pédagogique. Arrivé, je demande- si ma mémoire ne me trahit pas- le village H. Drôle ! Les étudiants dakarois ne parlent pas de « village », mais plutôt de « pavillon ».Arrivé là où on garde les clefs des chambres universitaires, je demande la « conciergerie », drôle encore puisqu’on parle ici de « casier ». Devant toutes ces nouveautés auxquelles il me faut immédiatement m’accommoder de crainte de passer pour un Martien, je dus me convertir.
Sur le campus de l’Université Cheikh Anta Diop, la vie n’est pas des plus aisées. Il faut absolument présenter sa carte d’étudiant pour entrer dans les restaurants. C’est pourquoi, fait bien connu ici : quand on perd sa carte, elle est immédiatement récupérée par d’autres qui la façonnent à leur identité. Difficile sinon impossible comme à Saint-Louis de reconnaitre les étudiants qui arrivent de partout. Conséquence logique : de monstrueuses files indiennes pour accéder à la restauration sous le contrôle austère des gardes à la porte.
Les étudiants qui se confient à mes interrogations me font savoir qu’ici aussi, chaque année se passent de terribles prises à parties concernant la course pour disposer d’une place dans les amphithéâtres au moment des cours. Pour espérer s’asseoir, il faut se réveiller à 6 heures du matin, s’assurer qu’on a une place pour le cours qui commence à 8 heures. Je me demande comment survivent les étudiants les plus chétifs, les plus nonchalants comme moi.
Dans les chambres, c’est un surpeuplement au-delà de toute expression. Près ou plus de huit personnes allant jusqu’à neutraliser tout l’espace d’où l’obligation d’effectuer ses prières quotidiennes dans les couloirs.
Avec ses 50.000 étudiants-approximativement-, L’Université Cheikh Anta Diop de Dakar bat tous les records au Sénégal. Aucune autre Université ne se risquerait à lui voler la vedette en termes de surnombre.
Serait-il juste de mettre cela en correspondance avec toute cette saleté qu’on trouve dans les toilettes dont il est quasiment impossible d’assurer la propreté ? Je ne m’y risque pas. Je veux bien me contenter de poursuivre ma description.
Les eaux usées, à l’instar de celles-ci juste à l’entrée du pavillon H constituent un véritable défi au bien être étudiant. Qui sait si elles ne sont pas entretenues par les femmes qui s’occupent du linge à côté ?
Les étudiants en provenance du Gandiol sont loin de sortir de l’auberge. Eux aussi ont passé et passent encore des nuits dans les couloirs. Ce n’est pas tous certes puisque la plupart sont logés dans l’enceinte de l’Université et d’autres encore dans les environs.
Surnommée « Usine des chômeurs », il sera très difficile d’humaniser cette Institution universitaire qui a formé et continue de former de très éminentes sommités dans le monde. Des mouvements d’étudiants, de professeurs, de la grogne quasi quotidienne concernant le bien être, un cocktail terrible et monstrueux…
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