Ousmane Gueye

Et si Macky Sall avait trahi les Gandiolais ?

Source:Le-dakar.com
Source:Le-dakar.com

La question est certes provocatrice, elle ne manque pas de justesse. En pleine campagne, dans l’entre-deux tours de la mémorable présidentielle 2012, celui qui n’était encore qu’un candidat au perchoir avait fait une descente au Gandiol. Bien sûr, dans l’unique but de recueillir les voix des villageois. Ces derniers étaient restés béats : depuis plusieurs années, ils pleurent sur leur triste sort (précarité des bornes fontaines, état cahoteux de l’unique route menant vers Saint-Louis, caractère désolant des conditions de santé, manque de courant électrique, …). Voilà que l’indiscutable futur président de la République venait à leur rencontre. Macky Sall avait été accueilli comme un héros à Mboumbaye par les populations.

Depuis son élection, plus possibilité pour les villageois d’entrer en contact avec le Chef de l’Etat. Ce qui accentue le désespoir des Gandiolais, c’est que la rumeur court que le président de la République n’a même pas songé à eux lors du Conseil des ministres décentralisé dans la région de Saint-Louis. Toutefois, ils ont pu lui parler à nouveau de leurs doléances. Depuis, aucune nouvelle.

Joint au téléphone hier, un des politiques du Gandiol, en l’occurrence Arouna Sow confesse que leur seul contact à ce jour est le frère de la première dame, Mansour Faye. Ils sont allés de demande d’audience en demande d’audience. Les villageois caressaient le rêve de voir leur communauté rurale enfin toute électrifiée, mais voilà que les lampes qui commençaient à éclairer, ont été vite éteintes. Explication ? Ils sont convaincus que c’est une astuce pour faire d’eux des « vaches électorales ».


Gandiol: quelle importance des politiciens ?

Mouhamet Chérif Counta

Les politiques sont ils en vacances depuis l’élection présidentielle, voire les législatives sur le terroir du Gandiol ? Tout semble l’attester. C’est là peut-être où il faut situer le mal du politique de notre temps : les électeurs désertent de plus en plus le phénomène partisan, convaincus de n’être que des tremplins pour la marche vers le pouvoirDe plus en plus, aux quatre coins du monde -mais ça n’est qu’une digression, j’en reviendrai au cas pratique du Gandiol – la confiance des citoyens, seul fondement à mes yeux de la légitimité populaire, s’érode à une vitesse vertigineuse. N’ayant pratiquement plus de prise sur leur quotidien obscurci de plus en plus par la grisaille économique et l’hypothèque de l’avenir, le discours politique ne prend plus vraiment, ou s’il prend, j’ai la faiblesse d’entrevoir qu’il prend mal.

Ce qui est intéressant et qu’il faut décrypter avec finesse, à mon avis, c’est la multiplication de ce qu’on appelle dans le jargon de la science politique « les formes non conventionnelles de participation politique ». Au Sénégal, il est vrai que les phénomènes de casse et de saccage des lieux publics ne datent pas d’aujourd’hui. En 1988, au lendemain des élections présidentielles et législatives remportées officiellement par le président Abdou Diouf, il y avait eu des pillages lors des émeutes à Dakar (magasins, kiosques éventrés, bus saccagés, bus de transport collectif endommagés). Peut-être que c’est là le degré extrême de la participation politique non conventionnelle.

Mais il est vrai qu’on peut tout de même observer une abondance des associations où les individus se prennent en charge, construisent ensemble des destins et créent entre eux des liens sociaux basés sur l’entraide. J’ai la faiblesse de croire que les grands mythes et les récits mobilisateurs cessent progressivement de l’être dans l’esprit des citoyens désabusés. Comment comprendre qu’au Gandiol, les politiques – ou politiciens, que sais ? – n’attendent que les sirènes électorales pour aller à la rencontre des populations ? On dirait que ces dernières n’existent que dans l’appétit démesuré de ces « bana – banas » du suffrage électoral ?

Dans cette communauté rurale de Ndiébène Gandiol, l’eau potable est une denrée de plus en plus rare. La route goudronnée devant relier Tassinère aux autres villages est toujours attendue. Interrogé sur ce mutisme assourdissant, Cheikh Mouhamet Counta, politicien résidant à Darou Salam, dit s’agiter depuis quelque temps pour que le Président Macky Sall se rappelle ses engagements pour les populations du Gandiol. Lors de l’entre-deux-tours, l’actuel locataire du Palais était à Mboumbaye (dans le Gandiol) à la quête du suffrage des Gandiolais. Le Chérif politicien promet d’apporter, avec ses alliés, son soin au mal de ces derniers.


Oumar Bâ, taxi-touriste à Saly : l’éternel insoumis

Oumar 1A quarante-quatre ans, ce chauffeur doublé d’un guide touristique a déjà tout découvert. Plus rien ne trouve admiration à ses yeux blasés. Sa tendre jeunesse est une suite ininterrompue d’épreuves qui l’ont aguerri. Aujourd’hui, Oumar a le sentiment d’avoir tout connu au point que ses jours présents transpirent le remake d’une vie déjà vécue.  Cela a certainement à voir avec son caractère singulier. Refusant en effet la soumission incarnée à ses yeux par l’école, le jeune homme décidait alors de s’abandonner à son rêve : le volant. Le symbole est manifeste : être le seul maître à bord de son destin. Voyage dans l’univers d’un homme dont toute la trame de l’histoire tient à ceci : le souci de rester soi-même.

L’histoire d’Oumar Bâ est indissociable de celle de la Petite Côte où il a vu le jour un certain 6 Juin de l’année 1969. Certainement, elle ne serait pas la même s’il était né ailleurs. Dans cette partie de Mbour, les jeunes ont la réputation d’être débrouillards, aidés en cela par les petits métiers qu’offre le tourisme : rabatteur, guide, conducteur de calèche, chauffeur de taxi, artiste, etc. Oumar a presque été tout cela à la fois avant de se spécialiser finalement dans le domaine du taxi-tourisme. Il y excelle, manifestement. La nature semble avoir tout prévu pour l’y conforter.

De teint noir, une taille d’un mètre quatre-vingt-treize, il ne manque pas d’allégresse en dépit des timides rides qui se dessinent sur son visage et qui le donnent plus âgé qu’il n’est en vérité. Ses dreadlocks laissent entrevoir son côté rebelle, un trait de caractère qui ne le déserte jamais. Il se plait d’ailleurs à évoquer ses altercations au sujet de sa couleur, notamment lorsqu’il a été éconduit par l’ambassade alors qu’il voulait se rendre en France. Ce jour-là, raconte le taxi-touriste, il s’est mis dans tous ses états en disant à cette représentation étrangère qu’elle se moque de lui parce que tout simplement il est noir.

Son activité consiste à conduire les touristes en dehors du département de Mbour, vers des destinations aussi éloignées que Dakar, Saint-Louis, Kaolack, Thiès pour un tarif de 5000 F, au minimum. Mais il n’a jamais su que le destin pouvait le porter aussi loin de son imagination. Dans l’effervescence de la fin des années 1990, ce quadragénaire fait la rencontre d’une touriste française qui devient d’emblée son amie. Mais, à force de fréquentation, Vanessa finit par éprouver de l’amour pour son guide touristique. Oumar plie et rompt même. A la suite de deux ans de vie commune, le Mbourois demande la Lilloise en mariage, chose qu’il obtient en 2001. La seconde est plus âgée du premier de deux ans. Dans l’esprit d’Oumar, cela n’est pas naturellement une gêne. Le taxi-touriste a une conception quelque peu inhabituelle de la vie en société : ses histoires ne regardent que lui. Philosophie qui l’a inspiré à convoler avec la Française dans une société, dit-il, où ne pas se marier avec une de ses semblables est moralement réprimée.

Mais l’originalité audacieuse du Mbourois excède cet exploit. En 2001, Vanessa lui fait comprendre que ses parents, en âge avancé, ne peuvent plus risquer un voyage à l’étranger. Elle invite son mari à aller séjourner en France pour quelque temps, manière de faire connaissance avec les siens. C’est alors que le guide touristique, le batteur de tam-tam, le guitariste, le danseur, l’artiste, le chauffeur-tout un cumul de statuts confondus en lui- débarque en France, sa femme sous le bras. Mais les relations avec ses beaux-parents se sont vite distendues. Oumar jure en avoir eu la prémonition dès qu’il avait débarqué à Lille.

Pour ne pas dépendre des parents de son épouse, une « arrogante bourgeoisie », « condescendante » et « raciste », à l’en croire, il continue d’exercer son métier de chauffeur en même temps que quelque travail de journalier dans des domaines aussi divers que le portage, la maçonnerie etc. Le Mbourois refuse de se plier aux principes de sa belle famille qui veut être obéie en dépit du fait qu’Oumar vivait à part avec sa femme. Un beau jour, revenu du Sénégal, il trouve une plainte contre lui qui l’attendait sur sa table : abandon de domicile conjugal. Il n’en croyait pas ses yeux. Et ce, d’autant plus que c’est sa belle famille qui l’avait accompagné jusqu’à l’aéroport lorsqu’il partait en vacances. Il s’en est suivi un long feuilleton judiciaire au cours duquel le quadragénaire a asséné aux parents de son épouse qu’ils veulent se séparer de lui juste parce qu’il est un noir et donc, il ne connait rien des arcanes de la justice. Et la réaction de son épouse ? Sans voix. Vanessa tentait de ménager la chèvre (sa famille) et le chou (son mari). Elle ne voulait prendre le moindre parti, de peur d’être vexante. Insoluble dilemme que celui-là.

Elle finit toutefois par céder sous la menace de ses parents et a exigé le divorce. Déçu, décontenancé, Oumar Bâ finit par claquer la porte un beau matin, sans en avoir prévenu sa femme, prend la direction de Mbour. Aujourd’hui, il a repris son travail de guide et de taxi-touriste à Saly. Il se donne petit à petit une nouvelle vie qu’il partage avec sa copine espagnole. Quelque fois, un courriel en provenance de son épouse française –parce que, dit-il, il n’a jamais divorcé d’avec elle- lui parvient. Mais il répond toujours que si Vanessa veut ses papiers –permis de conduire, certificat de mariage etc.-, elle n’a qu’à venir au Sénégal, l’endroit même où leur union a été scellée. A Jamais ? Comme quoi, toutes les histoires d’amour ne sont pas toujours des happy-end.


El Malick Seck, journaliste, éditeur de presse

Composition2« La version classique de la formation des journalistes, qui consistait à leur apprendre les techniques de compte rendu, me parait totalement dépassée ».

Rencontré à l’hôtel Espadon de Saly (Mbour), le journaliste et éditeur de presse El Malick Seck est d’avis qu’il faut une petite révolution dans le métier de l’information. Le candidat à la mairie de Thiès plaide pour l’intégration de ce qu’il appelle « les nouvelles tendances » que sont le journalisme de données, les political facts et le journalisme numérique.

Le premier consiste dans le traitement de chiffres, de statistiques destinés à une analyse de l’information.

Le deuxième implique la vie politique. Il s’agit, par exemple, de vérifier les propos des hommes qui se disputent l’accès au pouvoir, de confronter leurs discours et de surprendre éventuellement des contradictions.

Le troisième, le journalisme numérique, est de plus en plus visible à l’heure de la révolution des tablettes, des Smartphones. Ces techniques paraissent à l’éditeur de presse « beaucoup plus importantes » que les classiques devenues selon lui, « complètement dépassées ».

El Malick Seck constate que, de nos jours, l’information est à la portée de tout le monde. Il n’est plus besoin, argue t-il, de se déplacer pour la cueillir. Par conséquent, même ceux qui ne sont pas journalistes peuvent y accéder à l’heure de l’explosion des technologies de l’information et de la communication. II va de soi, compte tenu de tous ces changements majeurs, que « le public, ce qu’il attend du journalisme, ce n’est plus de faire des comptes rendus, mais, c’est d’interpréter et de lui donner une nouvelle façon de voir ces faits qui lui sont présentés », explique-t-il.

Le célèbre journaliste plaide également pour l’intégration de filières comme la spécialisation en journalisme en ligne ainsi que la création d’entreprises de presse dans les écoles de formation. El Malick Seck rappelle que, de plus en plus, les journalistes deviennent des patrons de presse et que donc, ils doivent y être préparés en amont. Aussi, tient-il à faire savoir que la durée des formations se révèle très longue alors que les étudiants, de plus en plus, deviennent intelligents. Par conséquent, deux à trois mois suffiraient pour acquérir les techniques de traitement de l’information et passer directement  à la pratique.


Saly, vu du dedans

tttttttttPremier contact avec le réel de Saly ce matin. Il était déjà 8h 30 quand nous nous apprêtions  à quitter le formidable institut Diambars qui accueille la délégation du Cesti. Dehors,  la Petite Côte se révélait à nous, sous un jour nouveau. Les sujets de reportage ne manquent pas à Saly : tourisme (inévitablement) et tout ce qui y renvoie : les points Change, les calèches, les hôtels, les auberges, les restaurants, la plage.

Dans les heures à suivre inchAllah, je vous amènerai à la découverte de plusieurs points importants qui font le bonheur de cette magnifique commune. A suivre donc !Hotel 1


Au coeur de la 125é édition du pélérinage marial de Poponguine

GandiolIl y a foule ce matin dans la petite commune de Poponguine, devenu grande, très grande au point d’étouffer de tous ces milliers de pèlerins. La masse bigarrée se dispute l’étroitesse des rues de cette zone tranquille que berce l’océan. Vendeurs, grilleurs de viande de porc, simples curieux venus observer ce petit monde en ébullition, fidèles catholiques pressant le pas, de nombreuses jeunes filles et de nombreux garçons visiblement enthousiastes, le pèlerinage marial est une véritable attraction.

Et dans cette ambiance de ferveur religieuse, se jouent et se fortifient des relations humaines. C’est le cas du jeune Adama, musulman, venu à la rencontre de sa copine, une jeune catholique. Pour se donner une petite quiétude au milieu de ce beau monde, le couple se retire au bord de l’océan pour s’ériger une place de choix au son des vagues. Adama est étudiant. Il vient de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Le pèlerinage est pour lui une occasion de retrouver celle qu’il porte dans son cœur. Mais  les deux amoureux n’ont pas le monopole de ce semblant de paradis. Autour d’eux, toute une masse de pèlerins, les uns allant et revenant, les autres ayant le regard figé sur les vagues de l’océan comme s’ils les découvraient pour la première fois.

Adama et sa copine sont de cette catégorie-là. Sauf que l’attention du couple est moins captée par les eaux, tous deux s’étant mis face à face, se regardant timidement. On aurait dit qu’Adama a invité sa dulcinée sur ces lieux pour lui suggérer que le sentiment qu’il a pour elle est aussi infini que l’horizon bleu de l’océan qui semble se joindre au bleu du ciel, là-bas au large.

Au loin, sur le sable fin, résonnent des hauts parleurs amplifiant la voix de la messe. C’est à ce moment qu’arrive l’équipe du Cesti en partance pour Saly, lieu du séjour rural des étudiants de la deuxième année. Ces derniers se fondent ensuite dans la foule, après s’être répartis en équipe de trois : télévision, presse écrite et radio. Les premiers sont invités à filmer la messe tandis que les autres vont en reportage sur des sujets de leur choix. Les angles de traitement de l’information ne manquent pas : la grillade de la viande de porc, la messe, le contenu de la prière des fidèles catholiques, la vente à la criée etc. A treize heures, toute la collecte de données est faite. Les futurs journalistes et leurs encadreurs peuvent reprendre le bus en direction de Saly. La messe est dite. Cesti


Entretien avec Mademoiselle Isabelle Dominique Coly, sage femme d’Etat, responsable du poste de santé de Tassinère

 Isabelle« Au niveau du Gandiol, c’est surtout l’hypertension artérielle et les infections respiratoires aigues qui  sont les maladies les plus fréquentes ».

L’huitre connait une activité quasi fébrile à Gandiol. Dans  cette communauté rurale forte de 29 villages avec une superficie de 600 km², l’exploitation de ce produit du fleuve rythme le quotidien d’une masse de femmes. Cela est à mettre en corrélation avec l’inoccupation de certaines d’entre elles en dehors des tâches ménagères. L’autre facteur pouvant incliner ces dernières à travailler dans ce domaine est que la population de la communauté rurale (avoisinant les  15095 habitants), est concentrée dans la zone côtière. Il n’y a pas motif à se soucier à, en croire la responsable du poste de santé de Tassinère : « Les fruits de mer ont un effet assez toxique sur l’organisme de la personne. Ça, c’est assez universel. Mais quand l’utilisation est faite avec modération, je ne pense pas que ça a un effet ».  Selon Mademoiselle Isabelle Dominique Coly, au début, quand la population a commencé à s’adonner à cette activité, il s’est signalé des intoxications alimentaires vite jugulées par une forte sensibilisation des agents des Eaux et Forêts.

Par contre, la sage femme d’Etat est catégorique quant aux maladies les plus fréquentes dans la communauté rurale de Ndiébène Gandiole. Il s’agit de l’hypertension artérielle et des infections respiratoires aigues. Toutes deux s’expliquent par l’environnement. La plupart des repas –pour ne pas dire tous- font appel au sel et à l’huile, sans compte le fait que les femmes travaillent dans l’exploitation de cet  « or blanc » à Tassinère. Elles y exposent alors les extrémités de leurs doigts et le sel les pénètre par voie cutanée.

Le Gandiol est aussi riche du fleuve Sénégal et de l’océan atlantique. Tous deux sont à l’origine du vent fort qui souffle sur la zone. Cela peut être à l’origine d’infections respiratoires aigues.

Au sujet de la couverture médicale universelle, Mademoiselle Coly tient à savoir : « On est en train de démarcher la dessus, parce que, cette couverture implique nécessairement la création de mutuelles, donc, une forme de mutualisation autour des postes de santé ». Néanmoins, tout n’est pas du ressort de la responsable du poste de santé de Tassinère : « Ça ne dépend pas carrément de nous, ça dépend des autorités locales ».

S’il y a des avancées majeures, c’est à propos de la vaccination. Des progrès énormes ont été enregistrés, succès qu’Isabelle Dominique Coly met sur le compte de la maturité de la population. « Ce sont des gens qui aiment bien venir se faire vacciner », dit-elle d’un air satisfaite. Tous les deux à trois mois, la sage femme se déplace, nous fait-elle savoir, dans les villages les plus reculés pour une vaccination sur place. « Le taux de décès pour les maladies juvéniles est bas, il n’y a pas de chiffres, mais on le sent », avance t- elle.


L’incroyable histoire d’Abdoulaye Gueye

Composition&Lorsqu’il partait à la conquête du destin, Abdel était encore très jeune. Après plusieurs années passées dans le commerce – mais, il a d’abord employé ses forces dans les travaux champêtres-, cet étonnant aventurier se rendit compte que l’horizon se fermait de plus en plus à lui. C’est alors qu’il décida, en 1998, avec l’impérieuse furie de réussir, de prendre congé de son Gandiol natal … vers une destination ….

Un soir, raconte Maty Sow, une femme avec qui il partageait la même demeure à Dakar, Abdoulaye Gueye lui présenta des chaussures, de grosses chaussures  qu’il venait d’acheter. Il fit savoir à la maman qu’il allait à la recherche d’un emploi. Ce soir – là, le jeune homme prit expressément le parti de passer la nuit loin de chez Maty pour que le moindre propos désarmant ne vînt contrarier son obstination à partir.

Indécis, celui-là ? Allons donc ! Ce jeune homme, issu de l’ethnie peule, en dépit de son nom qui le rattache davantage aux Wolofs, décida de partir sur un coup de colère. Colère d’abord de voir son destin figé alors qu’il le voulait en marche. Colère ensuite de voir le quotidien de ses camarades dicté par la loi de la répétition alors qu’il était assoiffé de nouveauté. Colère enfin d’améliorer le niveau de vie de ses parents puisqu’il est l’aîné. Et pour partir,  il avait arraché l’accord de ces derniers, qui, après moult refus, se cédèrent à la rage de leur fils.

L’infini des déserts – dans toute l’acception du terme- s’ouvrait alors à lui. Première escale : la Mauritanie. Nouadhibou l’accueillit pour sept mois. C’est à partir de là qu’il voulait se rendre en Espagne, mais impossible. Abdel plia, mais ne rompit jamais. Un bon de côté : il se retrouva à Rousso Sénégal. Pendant tout son séjour en Mauritanie, il ne put appeler ses parents, à Gandiol, sevrés de ses nouvelles depuis le jour où il les avait quittés. Le téléphone n’était pas aussi accessible qu’aujourd’hui en effet. Une idée se fit jour dans l’esprit de celui qu’on surnommait Mor Yombelé (celui qui vend à moindre prix, allusion à son métier de boutiquier) : emprunter le chemin escarpé de la Libye pour le royaume d’Espagne. Sa trajectoire : Rousso Sénégal, Mali, Burkina Faso, Niger, Libye, Algérie. Un chemin qui lui prit deux ans au total puisque ses escales pouvaient s’étendre sur plusieurs mois.

En Libye par exemple, Abdoulaye Gueye a séjourné pendant six mois en qualité de gardien d’une maison cossue. Sans salaire fixe, il était payé au gré des humeurs de son employeur, un homme riche qu’il décrit comme généreux, très obligeant à son égard et qui l’aimait d’une affection sans bornes. En dépit des bonnes relations qu’il avait avec ce dernier, Abdoulaye Gueye tenait, plus qu’à tout, à entrer au Maroc. Pour se soustraire à la bienveillance de son patron, il prétexta avoir perdu son grand-père et que donc, il devait retourner au Sénégal. La ruse fit rapidement son effet. Néanmoins, l’étape qui l’a le plus marqué parce que « longue et périlleuse », dont les souvenirs s’agitent encore dans son esprit, est celle entre la Libye et le Niger. A Agadez, dans ce dernier pays, il patienta pendant vingt jours pour que le camion qui devait le conduite vers le pays de feu Mouammar Kadhafi fît son plein : deux cents personnes à bord, avec bagages. Son escale au Maroc n’est pas aussi dépourvue de souvenirs : venant fraichement de la Libye, il avait épuisé son argent aux fins de venir en aide à ses compagnons d’infortune. C’est alors que son papa lui vint au secours en lui envoyant quelques billets de francs.

Tous ces exploits seraient-ils à mettre sur le compte de la bravoure ? Du courage ? Abdoulaye suggère la négative. Pour lui, à vingt ans, tout ce qui le faisait vibrer était la douce insouciance : « Je n’avais pas conscience du danger », répond-il. Ce qui est sûr, c’est qu’après maints essais, Abdel réussit enfin à entrer en Espagne. Il a été accueilli par la croix rouge  où il a passé près de deux mois. A l’époque, explique-t-il, il fallait dire qu’on vient des pays comme le Congo pour être admis. C’est parce que, dans cette partie de l’Afrique du Centre, il ne manquait pas de guerres en général et que donc, ceux qui en venaient, étaient vus comme des réfugiés. Là, il fit la rencontre d’un Sénégalais qui le mit en contact avec son frère à Barcelone. Dans cette ville réputée d’Espagne, Abdoulaye Gueye déposa pour un boulot avant d’être appelé deux jours plus tard. C’était positif. Il travailla comme journalier dans une usine. Ce qui l’y a le plus aidé, c’est qu’entre temps, on lui a envoyé son extrait de naissance et il s’est fait son passeport en Espagne-même.

Aujourd’hui, le Gandiolais s’est bien acclimaté à Ibiza, Baléares. Il se débrouille pas mal dans la langue de Cervantès, en plus de l’anglais et du français, rencontrés dans son long périple. Abdoulaye travaille comme chauffeur, métier de son rêve, même s’il n’est l’idéal.

Son temps est partagé alternativement entre un camion et un bus. Toutefois, à l’heure actuelle, c’est plutôt le camion qui l’emporte car les touristes (qu’il conduit en bus) se font rares en cette période de rigueur hivernale. Cet emploi lui rapporte 1500 euros par mois et il en dépense 300 pour sa chambre. Le reste sert à satisfaire la dépense quotidienne pour sa famille restée à Gandiol.

A trente-trois ans, Abdel a acquis une solide expérience. Suffisante en tous les cas pour faire savoir à ses frères du Gandiol en général, de l’Afrique en particulier, que tous les happy-end qu’on dit de l’immigration ne sont pas vrais et qu’une vision trop géniale de l’Europe est malheureusement bien répandue dans la jeunesse de son pays. Aussi, fustige-t-il le fait que les dirigeants africains prêchent sous tous les cieux l’intégration économique et que partout, pourtant, les fils du continent souffrent sur les frontières. Rien ne trouve grâce dans l’opinion de ce fin voyageur, même pas la politique agricole de son pays : le Sénégal. Abdoulaye confie qu’il a beaucoup investi dans l’agriculture et que ça n’a jamais « décollé ». « Nos présidents de la République nous exhortent toujours à cultiver la terre sans jamais nous en donner les moyens. L’avancée de la salinité des sols à Gandiol est criante et aucun emploi n’y existe ». Abdel ajoute que s’il avait la possibilité, il y construirait une usine en employant trois mille à quatre mille jeunes. « J’y ai beaucoup investi, notamment dans le commerce, en vain… », se désole-t-il. Eternel râleur Abdoulaye ! Maty Sow, évoquée plus haut, tient sur lui des témoignages élogieux : « C’est un homme d’une grande générosité, discipliné, respectueux de ses parents, attaché à ses proches, d’un sang-froid à toute épreuve…, paisible ».

Après son deuxième mariage, Abdoulaye Gueye sent sa responsabilité plus accrue dans son village natal : Ouro Guèdj. Il s’y rend régulièrement, issu de parents cultivateurs et commerçants. Son teint clair et sa longue chevelure  ne l’ont pourtant jamais incliné à convoler avec les Espagnoles. Abdoulaye se dit plus proche de ses parents peuls. D’une taille moyenne quand ce n’est très petite, il rêve un jour, de rentrer enfin et de monter des entreprises au Sénégal. Son plus grand regret ? N’avoir pas été à l’école française : « On vit piégé quand on n’est pas instruit », dit-il comme pour ériger une maxime.


L’étrange destin de Karim

Source: https://burkina24.com/
Source: https://burkina24.com/

Le mandat de dépôt émis contre Karim Meissa Wade vient réprimer les espoirs de ceux qui pensaient si légèrement pouvoir le tirer d’affaires. Dans une lettre aux Sénégalais datant du 03 Juillet 2011, l‘ex- petit prince de la République s’offusquait du fait qu’il est « jugé dans des procès sans défense, « condamné » sans recours possible ». Et ce, sans jamais qu’il soit « entendu ». Désormais, il peut s’enorgueillir de la perspective que ce sera chose possible. Car dans le silence de sa citadelle carcérale, celui qui n’a « jamais perdu » aura tout le loisir d’affûter son argumentaire.

Il est sans cœur, le destin ! Comment, en si peu de temps, le fils si abondamment louangé est-il tombé, loin de son protecteur de père, proie de  la curiosité des médias, dans l’impuissance la plus absolue ?  Il y a quelque temps, évoquer ce scénario tenait encore de la gageure. Et ce, parce que simplement fils d’Abdoulaye Wade, Karim Meissa restait hors de toute obligation de répondre de sa gestion.

C’est pourquoi, n’en déplaise à tous ceux que l’idée ennuiera, sa chute est un événement. Une chute tout aussi fracassante qu’instructive. Désormais, dans la marche de la République – j’entends de toutes les Républiques qui se respectent-, les fils apprendront à s’éclipser au profit des citoyens tout comme les histoires d’amour et d’affection seront circonscrites dans les strictes limites du privé.

Abdoulaye Wade nous avait habitués à ses sorties ridicules où il s’épanchait sans jamais s’interrompre sur ses états d’âme. S’il ne nous parlait pas du « fils  biologique », c’est du « fils adoptif » qu’il nous entretenait. Il ne manquait presque jamais l’occasion de faire allusion au champ lexical de la famille.

L’ancien président de la République avait poussé le guignolesque jusqu’à spéculer sur le nom de son successeur. Et c’est là où gît le drame : dans cette conviction messianique qu’un locataire du palais doit choisir la couleur de notre destin. Vous rappelez vous encore cette phrase aux accents divins : après lui, Wade avait annoncé que ce sera le chaos. Hélas, ce propos aux allures de lapsus est bien souvent une vérité chez nous. Nos dirigeants ont la manie de jouer aux « présidents-sorciers » ne retenant de la démocratie que celle dite « procédurale ». C’est un escamotage bien calculé car la démocratie, si complexe, est plus qu’un moment électoral, elle consiste dans cette vigilance que chaque citoyen doit exercer sur lui-même et sur ceux qui le dirigent. Et ce, dans l’esprit que lui imprime Pierre Rosanvallon : « La seule définition universelle possible de la démocratie est ainsi celle qui en radicalise les exigences ».

Le passage de Karim Meissa Wade par la cage Rebeus n’est pas dépourvu de symbole. Il implique que la prison est une fossoyeuse des clivages sociaux et que donc, en dépit de nos différences, chacun d’entre nous y a sa place. La seule astuce qui vaille pour y échapper, c’est d’être fidèle, non à l’affection aveugle et aveuglante d’un père, mais de la vérité. Au fond, pour être juste, Abdoulaye Wade aurait simplement pu commencer sa phrase par cette apostrophe : « Karim, après moi, c’est le chaos ».


Gandiol: 12 villages électrifiés

Source: Senego.net
Source: Senego.net

Il y a déjà quelque temps depuis que, sur ce blog, nous vous parlons du manque de courant électrique à Gandiol. De l’air de modernisation au  coup de colère des habitants de dégou-Niayes qui se disaient oubliés dans les infrastructures. C’est chose en train d’être résolue puisque douze villages viennent à leur tour d’être électrifiés. C’est le cas de Ndiol, Gouy Reine, Mboumbaye, Dégou-Niayes, Lakhrar, Gniling Mbao, Rimbakh, etc. Justice « infrastructurelle » est donc faite à tous ces villageois qui ne demandent qu’à accéder à de meilleurs conditions de vie. Dans les jours à venir –puisqu’on en parle-, nous vous proposerons plusieurs reportages comme nous avons déjà commencé sur ce blog. Les sujets seront aussi divers que la santé des femmes surtout, l’accès des populations aux soins, le travail des femmes dans les champs, les réalisations et les défis qui se posent au Conseil rural de Ndiébène Gandiol. Les douze villages de de cette communauté rurale ont été électrifiés grâce à l’Aser ( Agence Sénégalaise d’Electrification Ruarle) selon un élu de ladite localité.