Compte-rendu d’audience:les étudiants présumés de l’UGB étaient devant la barre hier

22 octobre 2010

Compte-rendu d’audience:les étudiants présumés de l’UGB étaient devant la barre hier

Il manquait tout, sauf du monde, ce matin au tribunal régional de Saint-Louis. La comparution des 25 étudiants de l’UGB à qui on avait fait grief de « dommages à des personnes et à leurs biens » était attendue avec beaucoup d’intérêt. Une masse compacte de leurs camarades guettait déjà l’arrivée du bus qui devait assurer leur déplacement sur Saint-Louis. Elle attendait devant les villages A et B dés sept heures du matin, conformément à l’appel de la Coordination des étudiants. Même le gardien des locaux du tribunal, qui n’avait auparavant admis qu’une partie de la foule des étudiants, n’a pas pu la contenir. Il fut donc obligé d’ouvrir la porte vers les environs de 9 heures. On eût dit qu’une impatience fébrile les picotait.

C’est pourquoi, les premières comparutions d’Ahmadou Sow accusé d’auteur de blessures au coupe-coupe, de la famille Bèye qui se disputait l’héritage d’un père absent entre autres, furent suivies comme le passage de simples 
« figurants » en attendant celui des « acteurs-clés » sur la scène du parquet.

A 11h :07 minutes, le public eut droit à l’apparition des 24 étudiants présumés. L’absence du 25ème, en l’occurrence, Ibrahima Tall fut annoncée par le Président du tribunal dans son rappel. Il expliqua que M. Tall n’a pas comparu pour raison de santé.

Regards posés avec un visage qui ne laissait apparaître que quelques traits enjoués, nos camarades ont tous défilé devant le siège du Président du tribunal. Tous, curieusement, comme s’ils se l’étaient dit auparavant, nièrent les faits qui leur sont reprochés. D’où l’étonnement du Président du tribunal : « Personne n’a été au courant du mouvement d’humeur à l’Université ! Les gendarmes ont –ils acculé les étudiants jusque dans leur chambre ? Ça ne peut pas être pareil pour tout le monde ». Le Président s’est même permis d’administrer un « cours magistral de civisme » aux présumés : « Il faut condamner la violence. On n’a pas le droit d’être violent. Personne ne vous demande d’être contents toute votre vie durant. Ce n’est pas possible d’ailleurs ». Il s’est beaucoup attardé sur les circonstances de l’interpellation de nos camarades. Il a, par exemple, insisté sur le calendrier des présumés ce jour là. Un camarade répondit qu’il suivait la Télévision. Un autre avança l’explication « ils nous ont trouvé prier à la mosquée », un autre se suffit de ceci « ils nous ont trouvé entrain de dormir, ont défoncé la porte et nous ont frappés ».

On rappela que l’Université Gaston Berger de Saint-Louis avait déjà retiré la plainte contre les membres des délégués. Pour l’audience de ce jeudi 21 Octobre 2010, elle était représentée par M .Lawson (j’hésite sur l’écriture du nom ; pardonnez au cas où j’y faillirais).

Madame le Procureur, qui représente le Ministère public n’a pas manqué de percutantes objections à opposer à la version des faits vue des étudiants présumés. De tous ses arguments, celui articulé sur la blessure du Capitaine Commandant de la gendarmerie nous a semblé être le plus martelé. Elle souligna la non- concordance de leur version avec celle contenue dans le procès verbal de la gendarmerie. Toutefois, elle ne se gêna point à édulcorer le texte de son réquisitoire en reconnaissant aux étudiants quelques circonstances atténuantes : « Ils sont tous jeunes ; le plus âgé d’entre eux n’a même pas 21 ans. Ce sont des innocents ». Elle n’y alla point par quatre chemins lorsqu’elle en vint aux délégués : « Ces « courageux » délégués qui ont pris la tangente après avoir manipulé ces jeunes. Ils les ont tous abandonnés aux mains de la justice pour en finir ». Elle conclut la première partie de son réquisitoire en requérant « de dispenser les présumés de la peine »et demanda que les faits reprochés aux étudiants ne soient pas consignés dans leur casier judiciaire.

Auparavant, les quelques avocats des étudiants de l’UGB ont donné toute la mesure de leur savoir juridique. « Les marchands du droit » comme on les appelle, se relayaient dans leurs plaidoiries. On eût dit qu’ils avaient horreur des espaces vides laissés entre leur discours respectif. Le premier à avoir pris la parole s’offusqua du réquisitoire de Madame Le Procureur. Pour lui, aucune preuve n’a été apportée pour appuyer la culpabilité des présumés. « Il s’agit de délit de foule, dit-il et aucun de ses étudiants n’a été pris en flagrant délit de saccage de biens matériels. Ils n’ont pas été arrêtés sur le théâtre des opérations. 99 % d’entre eux étaient dans leur chambre. Où est la preuve de leur participation ? Un juge correctionnel ne peut pas se contenir de ça ».Le premier avocat à avoir fait sa plaidoirie dit n’entendre pas de « dispense de peine », puisque ses clients ne sont coupables de rien, mais plutôt « disculpation ».Il demanda la « relaxe pure et simple ».

Les autres avocats (toujours des étudiants), puisque l’UGB n’avait pas délégué une partie civile, n’ont fait qu’étayer les arguments qui étaient la démonstration de leur confrère. L’un deux alla même plus loin en pointant un doigt accusateur sur les pratiques des gendarmes : On m’a servi des photos ignobles : habits collés au corps par le sang, corps ensanglantés, dit –il en substance. Il montra que cette abjection fait monnaie courante dans notre pays depuis les temps de Jean Colin : livres volés, ordinateurs saccagés, chambres cambriolés, téléphones portables piétinés. Sur un ton concluant, il lâcha : « Il faut y remédier pour l’intérêt de la justice »

Son autre confrère intervint avec un discours qui enflamma le public : « Faut pas nous parler de Capitaine Commandant blessé. C’est rien. Il avait choisi de faire son métier. Mon chien est mort par électrocution ce matin. Et pourtant, ce n’était pas son métier. Nous tous avons parfois des accidents dans notre travail ». La foule soupira et quoique les réactions bruyantes soient prohibées dans la salle, elle ne put se refuser à réagir.

Après quelques sages passes d’armes entre les avocats et Madame Le Procureur et une mise au point du Président du tribunal sur le fait que la gendarmerie ne devait pas trop empiéter dans les débats, on observa une mise en délibéré à 13 h 22minutes.

Les étudiants présumés en profitèrent pour respirer un peu l’ai d’une mise en liberté totale qui semblait se lire sur le visage enjoué du Président du tribunal.

Quelques minutes, plus tard, reprise du procès. Silence de cimetière. Un ange passait sûrement entre les rangées du public. Rappels, un peu de civisme encore, le Président du tribunal prit sa feuille et prononça sa sentence : Défaut contre Ibrahima Tall (absent), relaxe au profit du bénéfice du doute ». Pas de grande agitation, cela était attendu déjà !

Le tribunal se désengorgea un peu de son monde et les autres audiences commencèrent…

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Commentaires

Ameth DIA
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Il ne pouvait en être autrement vu la manière dont ils ont tous été arrestés