Le phonéticien Gabriel Marie Gueye, l’ange des mots

Article : Le phonéticien Gabriel Marie Gueye, l’ange des mots
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28 mars 2013

Le phonéticien Gabriel Marie Gueye, l’ange des mots

Photo: Ousmane Gueye
Photo: Ousmane Gueye

Il a marqué sans aucun doute les étudiants de deuxième année du Centre d’Etudes des Sciences et Techniques de l’Information (CESTI). Les mots ont fini par se conformer au rythme de cet enseignant de phonétique générale et expérimentale  qui sait les plier à la loi de l’enchainement et de la liaison. Avec Gabriel Marie Guèye, l’élocution peut compter sur un allié convaincu qu’il faut une exigence implacable dans nos rapports à la prononciation.  Ce  « vieillard » de cinquante sept ans, si attaché à Mozart, est un fervent admirateur du poète Léopold Sédar Senghor. Tous deux Sérères. Tous deux sortis des entrailles de la campagne, montés respectivement à Strasbourg et à Paris. Sauf que pour Gabriel, il était urgent de franchir l’Atlantique à destination du Sénégal après sa thèse de doctorat en phonétique

D’une personnalité lumineuse, le phonéticien ne manque jamais l’occasion de s’assurer de la clarté de ses explications. Avec des astuces qui font mouche, bien à lui, il sait transmettre l’essentiel sans déplaire. Jeux de mots et provocations sont au rendez-vous quand il le faut. Un jour, en classe, il nous a confié avoir regardé des nouveaux bacheliers à la télévision. Ces derniers furieux pour n’avoir toujours pas été reçus à l’université plaidaient leur cause en disant « nous, les non zorientés ». « C’est peut être le fait qu’ils aient mal prononcé qui explique justement leur non-orientation », sourit Gabriel Marie Guèye. Ce trait d’humour ravageur laisse découvrir ce côté gai de notre enseignant. Cette bonne humeur n’est que l’un des maillons de la « chaine artistique » du phonéticien. Un art dans la transmission du savoir focalisant l’attention des étudiants qui l’apprécient beaucoup.

Le pas faussement nonchalant, une taille avoisinant un mètre quatre-vingt-six, Gabriel Marie Guèye s’emploie à défier le temps. Quelques heures de jogging suffisent, pour ce faire, à ce fanatique du couscous. Un exercice qu’il s’impose sûrement pour se donner assez de santé et assumer ses charges coutumières à Mont-Rolland.  Cet enseignant de phonétique est un chef traditionnel, titre qu’il a hérité de son père. Dans cette communauté sérère, c’est au chef coutumier qu’incombe la délicate tâche d’arbitrer les conflits. Ce qui conduit Gabriel Marie Guèye à se rendre régulièrement à Fouloune, son village natal.

Sa carrière universitaire aurait été tout autre, celle d’un enseignant de français sûrement. Des études de langues anciennes l’y préparaient. Après son passage au Lycée Malick Sy de Thiès où il a obtenu un baccalauréat A1, Gabriel a été reçu au département des lettres classiques de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar.

C’est sans peine qu’il y a suivi des études de français, latin et grec jusqu’en maîtrise. Tout le prédestinait donc à l’enseignement dans les lycées jusqu’au jour où le hasard eut raison de ses attentes : « Je descendais de mon département et j’ai vu  sur une porte PHONETIQUE. J’y suis allé un peu par curiosité ».

Senghor, un modèle

Le jeune ressortissant de Fouloune, village situé à quinze kilomètres de Thiès, avait alors mordu à l’« hameçon de la phonétique » pour toujours.  Une riche trajectoire s’ouvrait lentement  à lui. A l’université, Gabriel ne s’ennuyait pas du nombre croissant de ses diplômes en linguistique, en langues anciennes comme en phonétique. Loin s’en faut. Ce qui lui a valu d’ailleurs l’obtention d’une bourse d’études étrangères de la part de Léopold Sédar Senghor. Sans l’avoir jamais demandé.

En ce temps, l’influence du premier agrégé de grammaire de toute l’Afrique était réelle sur les jeunes générations. Le mot d’ordre qui agitait l’époque, était en toute vraisemblance, l’émulation. De Cheikh Anta Diop à Cheikh Hamidou Kane, les modèles à suivre étaient légion. L’inspiration pour les bonnes conduites coulait de source. C’est ainsi qu’après sa thèse en phonétique à Strasbourg, l’ancien élève du Collège des Garçons de Mont-Rolland repartit aussitôt au pays avec ses condisciples sénégalais. La mode intellectuelle était au culte du patriotisme. Une ligne que Gabriel Marie Guèye dit être dictée par le fait que leurs bourses ont été financées par les masses indigentes de la profondeur des campagnes : paysans, maçons, éleveurs. « Dans ce cas, le seul choix qui se fût offert à nous était de revenir servir au pays », glisse-t-il.

Ce signe ne trompe pas. L’enseignant est d’une générosité désarmante. Il s’efface toujours  derrière une haute stature qui laisse découvrir un mariage harmonieux d’une chemise et d’un pantalon super cent.  C’est cela une de ses façons favorites de célébrer la simplicité.

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