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Le Gandiol en un CliC
Article : Entretien avec Mademoiselle Isabelle Dominique Coly, sage femme d’Etat, responsable du poste de santé de Tassinère
Le Grand Entretien
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20 mai 2013

Entretien avec Mademoiselle Isabelle Dominique Coly, sage femme d’Etat, responsable du poste de santé de Tassinère

 Isabelle« Au niveau du Gandiol, c’est surtout l’hypertension artérielle et les infections respiratoires aigues qui  sont les maladies les plus fréquentes ».

L’huitre connait une activité quasi fébrile à Gandiol. Dans  cette communauté rurale forte de 29 villages avec une superficie de 600 km², l’exploitation de ce produit du fleuve rythme le quotidien d’une masse de femmes. Cela est à mettre en corrélation avec l’inoccupation de certaines d’entre elles en dehors des tâches ménagères. L’autre facteur pouvant incliner ces dernières à travailler dans ce domaine est que la population de la communauté rurale (avoisinant les  15095 habitants), est concentrée dans la zone côtière. Il n’y a pas motif à se soucier à, en croire la responsable du poste de santé de Tassinère : « Les fruits de mer ont un effet assez toxique sur l’organisme de la personne. Ça, c’est assez universel. Mais quand l’utilisation est faite avec modération, je ne pense pas que ça a un effet ».  Selon Mademoiselle Isabelle Dominique Coly, au début, quand la population a commencé à s’adonner à cette activité, il s’est signalé des intoxications alimentaires vite jugulées par une forte sensibilisation des agents des Eaux et Forêts.

Par contre, la sage femme d’Etat est catégorique quant aux maladies les plus fréquentes dans la communauté rurale de Ndiébène Gandiole. Il s’agit de l’hypertension artérielle et des infections respiratoires aigues. Toutes deux s’expliquent par l’environnement. La plupart des repas –pour ne pas dire tous- font appel au sel et à l’huile, sans compte le fait que les femmes travaillent dans l’exploitation de cet  « or blanc » à Tassinère. Elles y exposent alors les extrémités de leurs doigts et le sel les pénètre par voie cutanée.

Le Gandiol est aussi riche du fleuve Sénégal et de l’océan atlantique. Tous deux sont à l’origine du vent fort qui souffle sur la zone. Cela peut être à l’origine d’infections respiratoires aigues.

Au sujet de la couverture médicale universelle, Mademoiselle Coly tient à savoir : « On est en train de démarcher la dessus, parce que, cette couverture implique nécessairement la création de mutuelles, donc, une forme de mutualisation autour des postes de santé ». Néanmoins, tout n’est pas du ressort de la responsable du poste de santé de Tassinère : « Ça ne dépend pas carrément de nous, ça dépend des autorités locales ».

S’il y a des avancées majeures, c’est à propos de la vaccination. Des progrès énormes ont été enregistrés, succès qu’Isabelle Dominique Coly met sur le compte de la maturité de la population. « Ce sont des gens qui aiment bien venir se faire vacciner », dit-elle d’un air satisfaite. Tous les deux à trois mois, la sage femme se déplace, nous fait-elle savoir, dans les villages les plus reculés pour une vaccination sur place. « Le taux de décès pour les maladies juvéniles est bas, il n’y a pas de chiffres, mais on le sent », avance t- elle.

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Article : L’incroyable histoire d’Abdoulaye Gueye
Le Gandiolais du mois
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19 mai 2013

L’incroyable histoire d’Abdoulaye Gueye

Composition&Lorsqu’il partait à la conquête du destin, Abdel était encore très jeune. Après plusieurs années passées dans le commerce – mais, il a d’abord employé ses forces dans les travaux champêtres-, cet étonnant aventurier se rendit compte que l’horizon se fermait de plus en plus à lui. C’est alors qu’il décida, en 1998, avec l’impérieuse furie de réussir, de prendre congé de son Gandiol natal … vers une destination ….

Un soir, raconte Maty Sow, une femme avec qui il partageait la même demeure à Dakar, Abdoulaye Gueye lui présenta des chaussures, de grosses chaussures  qu’il venait d’acheter. Il fit savoir à la maman qu’il allait à la recherche d’un emploi. Ce soir – là, le jeune homme prit expressément le parti de passer la nuit loin de chez Maty pour que le moindre propos désarmant ne vînt contrarier son obstination à partir.

Indécis, celui-là ? Allons donc ! Ce jeune homme, issu de l’ethnie peule, en dépit de son nom qui le rattache davantage aux Wolofs, décida de partir sur un coup de colère. Colère d’abord de voir son destin figé alors qu’il le voulait en marche. Colère ensuite de voir le quotidien de ses camarades dicté par la loi de la répétition alors qu’il était assoiffé de nouveauté. Colère enfin d’améliorer le niveau de vie de ses parents puisqu’il est l’aîné. Et pour partir,  il avait arraché l’accord de ces derniers, qui, après moult refus, se cédèrent à la rage de leur fils.

L’infini des déserts – dans toute l’acception du terme- s’ouvrait alors à lui. Première escale : la Mauritanie. Nouadhibou l’accueillit pour sept mois. C’est à partir de là qu’il voulait se rendre en Espagne, mais impossible. Abdel plia, mais ne rompit jamais. Un bon de côté : il se retrouva à Rousso Sénégal. Pendant tout son séjour en Mauritanie, il ne put appeler ses parents, à Gandiol, sevrés de ses nouvelles depuis le jour où il les avait quittés. Le téléphone n’était pas aussi accessible qu’aujourd’hui en effet. Une idée se fit jour dans l’esprit de celui qu’on surnommait Mor Yombelé (celui qui vend à moindre prix, allusion à son métier de boutiquier) : emprunter le chemin escarpé de la Libye pour le royaume d’Espagne. Sa trajectoire : Rousso Sénégal, Mali, Burkina Faso, Niger, Libye, Algérie. Un chemin qui lui prit deux ans au total puisque ses escales pouvaient s’étendre sur plusieurs mois.

En Libye par exemple, Abdoulaye Gueye a séjourné pendant six mois en qualité de gardien d’une maison cossue. Sans salaire fixe, il était payé au gré des humeurs de son employeur, un homme riche qu’il décrit comme généreux, très obligeant à son égard et qui l’aimait d’une affection sans bornes. En dépit des bonnes relations qu’il avait avec ce dernier, Abdoulaye Gueye tenait, plus qu’à tout, à entrer au Maroc. Pour se soustraire à la bienveillance de son patron, il prétexta avoir perdu son grand-père et que donc, il devait retourner au Sénégal. La ruse fit rapidement son effet. Néanmoins, l’étape qui l’a le plus marqué parce que « longue et périlleuse », dont les souvenirs s’agitent encore dans son esprit, est celle entre la Libye et le Niger. A Agadez, dans ce dernier pays, il patienta pendant vingt jours pour que le camion qui devait le conduite vers le pays de feu Mouammar Kadhafi fît son plein : deux cents personnes à bord, avec bagages. Son escale au Maroc n’est pas aussi dépourvue de souvenirs : venant fraichement de la Libye, il avait épuisé son argent aux fins de venir en aide à ses compagnons d’infortune. C’est alors que son papa lui vint au secours en lui envoyant quelques billets de francs.

Tous ces exploits seraient-ils à mettre sur le compte de la bravoure ? Du courage ? Abdoulaye suggère la négative. Pour lui, à vingt ans, tout ce qui le faisait vibrer était la douce insouciance : « Je n’avais pas conscience du danger », répond-il. Ce qui est sûr, c’est qu’après maints essais, Abdel réussit enfin à entrer en Espagne. Il a été accueilli par la croix rouge  où il a passé près de deux mois. A l’époque, explique-t-il, il fallait dire qu’on vient des pays comme le Congo pour être admis. C’est parce que, dans cette partie de l’Afrique du Centre, il ne manquait pas de guerres en général et que donc, ceux qui en venaient, étaient vus comme des réfugiés. Là, il fit la rencontre d’un Sénégalais qui le mit en contact avec son frère à Barcelone. Dans cette ville réputée d’Espagne, Abdoulaye Gueye déposa pour un boulot avant d’être appelé deux jours plus tard. C’était positif. Il travailla comme journalier dans une usine. Ce qui l’y a le plus aidé, c’est qu’entre temps, on lui a envoyé son extrait de naissance et il s’est fait son passeport en Espagne-même.

Aujourd’hui, le Gandiolais s’est bien acclimaté à Ibiza, Baléares. Il se débrouille pas mal dans la langue de Cervantès, en plus de l’anglais et du français, rencontrés dans son long périple. Abdoulaye travaille comme chauffeur, métier de son rêve, même s’il n’est l’idéal.

Son temps est partagé alternativement entre un camion et un bus. Toutefois, à l’heure actuelle, c’est plutôt le camion qui l’emporte car les touristes (qu’il conduit en bus) se font rares en cette période de rigueur hivernale. Cet emploi lui rapporte 1500 euros par mois et il en dépense 300 pour sa chambre. Le reste sert à satisfaire la dépense quotidienne pour sa famille restée à Gandiol.

A trente-trois ans, Abdel a acquis une solide expérience. Suffisante en tous les cas pour faire savoir à ses frères du Gandiol en général, de l’Afrique en particulier, que tous les happy-end qu’on dit de l’immigration ne sont pas vrais et qu’une vision trop géniale de l’Europe est malheureusement bien répandue dans la jeunesse de son pays. Aussi, fustige-t-il le fait que les dirigeants africains prêchent sous tous les cieux l’intégration économique et que partout, pourtant, les fils du continent souffrent sur les frontières. Rien ne trouve grâce dans l’opinion de ce fin voyageur, même pas la politique agricole de son pays : le Sénégal. Abdoulaye confie qu’il a beaucoup investi dans l’agriculture et que ça n’a jamais « décollé ». « Nos présidents de la République nous exhortent toujours à cultiver la terre sans jamais nous en donner les moyens. L’avancée de la salinité des sols à Gandiol est criante et aucun emploi n’y existe ». Abdel ajoute que s’il avait la possibilité, il y construirait une usine en employant trois mille à quatre mille jeunes. « J’y ai beaucoup investi, notamment dans le commerce, en vain… », se désole-t-il. Eternel râleur Abdoulaye ! Maty Sow, évoquée plus haut, tient sur lui des témoignages élogieux : « C’est un homme d’une grande générosité, discipliné, respectueux de ses parents, attaché à ses proches, d’un sang-froid à toute épreuve…, paisible ».

Après son deuxième mariage, Abdoulaye Gueye sent sa responsabilité plus accrue dans son village natal : Ouro Guèdj. Il s’y rend régulièrement, issu de parents cultivateurs et commerçants. Son teint clair et sa longue chevelure  ne l’ont pourtant jamais incliné à convoler avec les Espagnoles. Abdoulaye se dit plus proche de ses parents peuls. D’une taille moyenne quand ce n’est très petite, il rêve un jour, de rentrer enfin et de monter des entreprises au Sénégal. Son plus grand regret ? N’avoir pas été à l’école française : « On vit piégé quand on n’est pas instruit », dit-il comme pour ériger une maxime.

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Article : L’étrange destin de Karim
Exercices d'analyse
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25 avril 2013

L’étrange destin de Karim

Source: https://burkina24.com/
Source: https://burkina24.com/

Le mandat de dépôt émis contre Karim Meissa Wade vient réprimer les espoirs de ceux qui pensaient si légèrement pouvoir le tirer d’affaires. Dans une lettre aux Sénégalais datant du 03 Juillet 2011, l‘ex- petit prince de la République s’offusquait du fait qu’il est « jugé dans des procès sans défense, « condamné » sans recours possible ». Et ce, sans jamais qu’il soit « entendu ». Désormais, il peut s’enorgueillir de la perspective que ce sera chose possible. Car dans le silence de sa citadelle carcérale, celui qui n’a « jamais perdu » aura tout le loisir d’affûter son argumentaire.

Il est sans cœur, le destin ! Comment, en si peu de temps, le fils si abondamment louangé est-il tombé, loin de son protecteur de père, proie de  la curiosité des médias, dans l’impuissance la plus absolue ?  Il y a quelque temps, évoquer ce scénario tenait encore de la gageure. Et ce, parce que simplement fils d’Abdoulaye Wade, Karim Meissa restait hors de toute obligation de répondre de sa gestion.

C’est pourquoi, n’en déplaise à tous ceux que l’idée ennuiera, sa chute est un événement. Une chute tout aussi fracassante qu’instructive. Désormais, dans la marche de la République – j’entends de toutes les Républiques qui se respectent-, les fils apprendront à s’éclipser au profit des citoyens tout comme les histoires d’amour et d’affection seront circonscrites dans les strictes limites du privé.

Abdoulaye Wade nous avait habitués à ses sorties ridicules où il s’épanchait sans jamais s’interrompre sur ses états d’âme. S’il ne nous parlait pas du « fils  biologique », c’est du « fils adoptif » qu’il nous entretenait. Il ne manquait presque jamais l’occasion de faire allusion au champ lexical de la famille.

L’ancien président de la République avait poussé le guignolesque jusqu’à spéculer sur le nom de son successeur. Et c’est là où gît le drame : dans cette conviction messianique qu’un locataire du palais doit choisir la couleur de notre destin. Vous rappelez vous encore cette phrase aux accents divins : après lui, Wade avait annoncé que ce sera le chaos. Hélas, ce propos aux allures de lapsus est bien souvent une vérité chez nous. Nos dirigeants ont la manie de jouer aux « présidents-sorciers » ne retenant de la démocratie que celle dite « procédurale ». C’est un escamotage bien calculé car la démocratie, si complexe, est plus qu’un moment électoral, elle consiste dans cette vigilance que chaque citoyen doit exercer sur lui-même et sur ceux qui le dirigent. Et ce, dans l’esprit que lui imprime Pierre Rosanvallon : « La seule définition universelle possible de la démocratie est ainsi celle qui en radicalise les exigences ».

Le passage de Karim Meissa Wade par la cage Rebeus n’est pas dépourvu de symbole. Il implique que la prison est une fossoyeuse des clivages sociaux et que donc, en dépit de nos différences, chacun d’entre nous y a sa place. La seule astuce qui vaille pour y échapper, c’est d’être fidèle, non à l’affection aveugle et aveuglante d’un père, mais de la vérité. Au fond, pour être juste, Abdoulaye Wade aurait simplement pu commencer sa phrase par cette apostrophe : « Karim, après moi, c’est le chaos ».

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Article : Gandiol: 12 villages électrifiés
Qui suis-je ?
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17 avril 2013

Gandiol: 12 villages électrifiés

Source: Senego.net
Source: Senego.net

Il y a déjà quelque temps depuis que, sur ce blog, nous vous parlons du manque de courant électrique à Gandiol. De l’air de modernisation au  coup de colère des habitants de dégou-Niayes qui se disaient oubliés dans les infrastructures. C’est chose en train d’être résolue puisque douze villages viennent à leur tour d’être électrifiés. C’est le cas de Ndiol, Gouy Reine, Mboumbaye, Dégou-Niayes, Lakhrar, Gniling Mbao, Rimbakh, etc. Justice « infrastructurelle » est donc faite à tous ces villageois qui ne demandent qu’à accéder à de meilleurs conditions de vie. Dans les jours à venir –puisqu’on en parle-, nous vous proposerons plusieurs reportages comme nous avons déjà commencé sur ce blog. Les sujets seront aussi divers que la santé des femmes surtout, l’accès des populations aux soins, le travail des femmes dans les champs, les réalisations et les défis qui se posent au Conseil rural de Ndiébène Gandiol. Les douze villages de de cette communauté rurale ont été électrifiés grâce à l’Aser ( Agence Sénégalaise d’Electrification Ruarle) selon un élu de ladite localité. 

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Article : Interview avec Adama Sow, commerçant à Dakar
Le Grand Entretien
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16 avril 2013

Interview avec Adama Sow, commerçant à Dakar

 Adama Sow             « Macky Sall doit veiller à la livraison des sites de recasement »

C’est à son appartement situé aux Parcelles Assainies qu’Adama Sow nous donne rendez-vous pour cet entretien.

La mine légèrement harassée qui contraste avec une envie de s’exprimer, il répond à nos questions. Manifestement, l’actualité du déguerpissement des vendeurs accusés d’occupation irrégulière est quelque chose qui lui parle.

C’est donc avec une faconde bien circonstancielle qu’il aborde ce sujet avec nous.

Depuis quelque temps, nous les mauvaises nouvelles ne manquent pas au sujet des déguerpissements notés ces derniers jours à Dakar.

Vous sentez-vous visé ?

Si, je prévois bien qu’un jour, je serai déplacé, que ce soit ici aux Parcelles Assainies ou à Mbao.

Pourquoi pensez-vous que vous êtes visés par la mesure ? Vous êtes hors-la loi ?

Bon (petite hésitation)…On ne peut dire si nous sommes dans la loi ou pas. C’est bien la mairie qui nous a permis d’élargir notre place. Et quand nous payons mensuellement, nous le faisons au motif que nous occupons la place publique. Je pense que c’est légal. Donc, je ne vois pas pourquoi nous serions hors-la loi. Mais puisque ceux qui sont déjà déguerpis s’acquittaient de la taxe comme moi, je ne peux qu’avoir des craintes.

Donc, vous êtes  inquiet ?

Oui bien sûr.

En cas de déguerpissement, pouvez-vous objecter à la mairie que vous avez toujours honoré vos mensualités et que vous ne quitterez qu’après recasement ?

Bon, l’Etat est au dessus de tout le monde. Personne ne peut l’égaler en termes de puissance. Il arrive qu’il rase des maisons pourtant dûment construites. Donc, je suis bien fondé à m’inquiéter au même titre que tous les autres vendeurs.

Comprenez-vous les causes de cette mesure ?

Pour moi, on déguerpit les gens pour désengorger la capitale sénégalaise en vue de l’embellir. On déguerpit aussi pour fluidifier la circulation.

Donc, ça vous semble juste ?

Oui, cette mesure consistant à déguerpir ceux qui occupent anarchiquement l’espace public me semble juste. Néanmoins, on aurait pu agir autrement. A mon avis, l’Etat doit aider à baisser le coût du loyer. Par exemple, je paie chaque mois 130.000 FCA (loyer), 20.000 FCA (mairie) et autres dépenses (pour le personnel notamment). Ce prix élevé de frais fait que je ne peux pas me permettre de louer un autre espace. Donc, je suis obligé d’élargir ma place en prenant le risque d’être déguerpi.

Si jamais où vous déguerpissez d’ici, quelles conséquences ?

Voyez-vous, je dépense chaque mois 570.000 FCA. J’occupe un espace de 4 m2. Les produits stockés dans une telle étroitesse ne peuvent pas générer plus de 570.000 FCA. Je suis obligé de déborder un peu pour avoir plus de place. Or, en venant me déguerpir, la mairie exigera que je me contente de l’espace que j’ai déjà loué et qui se révèle trop étroit. Donc, je serai obligé d’aller chercher un autre endroit à louer en même temps, ce qui augmentera mes dépenses. Est-ce que je me fais comprendre ?

Oui

Comment appréciez-vous la politique du nouveau régime en matière de gestion de l’espace public ?

Pour moi, l’Etat est une continuité. Certes, le Président Wade avait eu maille à partir avec les marchands ambulants, mais au moins, il les avait rencontrés. Ces derniers étaient convenus avec l’ancien locataire du Palais de la construction d’un marché pour recaser tous ces vendeurs inquiets. Macky Sall doit veiller à la livraison des sites de recasement.

Dans cette perspective, y a-t-il selon vous des ruptures entre Abdoulaye Wade et Macky Sall ?

Non, je trouve que nous sommes dans la continuité. L’actuel Président de la République n’a fait aucun geste concret. Les choses sont restées en l’état.

Depuis quelques temps, nous entendons vos camarades commerçants dire qu’ils n’arrivent plus à écouler leurs produits. Qu’est-ce qui expliquerait un tel état de fait ?

Je trouve que Dakar n’offre plus de main d’œuvre. Par le passé, il y avait beaucoup de travaux qui occasionnaient de l’emploi pour des milliers de personnes. Ce qu’ils gagnaient étaient versé dans le panier de la ménagère. Etant donné que toutes ces personnes ne travaillent plus dans les sentiers, chacun devient commerçant. Donc, de moins en moins d’acheteurs. Parce qu’il faut dire que le commerce, l’élevage et la pêche sont des activités qu’on pourrait qualifier de pis-aller. Quand on ne sait plus où aller, on s’y agrippe.

Vous venez du Gandiol (Saint-Louis) pour vous installer à Dakar. Le commerce nourrit-il son homme aujourd’hui ?

Le commerce ne nous arrange plus. Quand je venais fraichement de débarquer à Dakar, peu de personnes s’adonnaient à cette activité. De nos jours, tout le monde le pratique, y compris ces milliers de villageois qui ne trouvent plus du travail à la campagne.

 

Qu’est ce que tes camarades ressortissants de Gandiol en pensent ?

Ils ont le même avis que moi.

Le Gandiol est une zone réputée pour la richesse de son agriculture ? Vous vous y retournerez un jour ?

Absolument. En ce qui me concerne, j’ai beaucoup de projets pour le Gandiol. Vous avez parlé d’agriculture, n’oubliez pas qu’on peut aussi y travailler dans les secteurs de la pêche et de l’élevage. Mais tout cela demande des moyens. Nous y réfléchissons actuellement.

Quelle alternative face à l’aridité de l’exercice du commerce dans les circonstances actuelles ?

Ayant compris que vivre à Dakar devient de plus en plus cher, et que le commerce est peu rentable, je pense déjà tout à fait autre chose.

S’il vous était possible de conseiller l’Etat en matière d’emploi des jeunes, que lui diriez-vous ?

Deux seules choses. La première, protéger les intérêts de chaque citoyen. Que ceux qui sont suspects de tricherie en répondent. La seconde, je recommande au Président Sall de transférer la capitale pour désengorger un peu. Qu’il assiste les agriculteurs car ils ne demandent qu’à travailler. IL faut les encadrer et leur assurer des moyens.

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16. avril
2013
Le Grand Entretien
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Autour du mariage chez les Peuls du Gandiol, interview avec Doulo Bambaado

Doulou Bambado Photo par Ousmane GUEYE

         « Par le passé, quand on annonçait le mariage d’une fille, sa maman achetait beaucoup de paquets de sucre et les distribuait aux voisins et parents« 

Il y a quelque temps, Doulo Bambaado -comme on le surnomme- nous avait accordé un entretien. C’était lors d’une cérémonie de mariage à Dégou-Niayes (dans le Gandiol), moment favori pour revenir avec lui sur les principaux rôles sociaux liés à l’institution « mariage » dans la communauté peule. C’est avec une grâce étonnante que le très jeune griot peul a accepté notre requête. Un bambaado-c’est-à-dire dont le rôle est de transmettre la tradition, chanter lors des cérémonies heureuses, etc.- pressé d’être interrogé sur ce qu’il sait dire avec passion.

Que signifie le rôle du « baabo », littéralement le père dans la tradition du mariage chez les Peuls ?

Ousmane, je te remercie pour avoir posé cette question car elle revêt une immense importance.

Par le passé, il existait la relation de parenté entre des frères et des sœurs  dont les parents partagent le même père ou la même mère. Cela existe encore aujourd’hui.Quand je veux donner la main de ma fille à quelqu’un, je désigne un de ces frères-là comme étant le père d’emprunt de ma fille, histoire d’honorer et de renforcer  la relation  de parenté. Ce frère qu’on désigne comme le papa de ma fille donnera la main de celle-ci en lieu et place du vrai papa que je suis.

Après avoir donné la main de ma fille, la famille et les voisins vont lui remettre des cadeaux. Mais, puisque ce dernier doit offrir le taureau qui sera égorgé au nom de son rôle de père d’emprunt, il lui sera donné la somme pour l’acheter.

Que signifie le rôle du « yummo », littéralement le père dans la tradition du mariage chez les Peuls ?

Cela procède de la même logique que le rôle du « baabo ». Il sera attribué à une fille, ou femme (au besoin) dont nos deux mamans respectives partagent le même père ou la même mère. Tout comme ce qui est attendu du « baabo », le « yummo » fera la même chose, à quelques nuances près. C’est une sorte de commerce. C’est pourquoi, de nos jours, le rôle de « yummo » n’est plus confiné dans le cercle familial. Mais il est élargi à tous les membres de la société. On peut l’attribuer à quelqu’un au nom de l’honneur qu’on veut lui rendre, ou tout au moins, au nom d’un apport considérable en biens matériel qu’on attend de lui.

Que signifie le rôle du « gorgol », littéralement le père dans la tradition du mariage chez les Peuls ?

La relation de « gorgol », c’est celle qui lie le fils d’un frère à la sœur de ce dernier. De cette relation particulière, il ressort que l’enfant est le fils de la sœur et que cette dernière est son « gorgol ». Ce rôle aussi a subi de fortes emprises de la modernité. Il n’est plus seulement concentré au niveau du cercle familial, mais peut est attribué à quiconque au nom du bénéfice qu’on peut espérer en retour !

Quant à la  « jeekiraado » ou « cuddoowo », c’est elle qui offre les pagnes à la mariée. Ces pagnes servent à couvrir le visage de cette dernière comme il est exigé lors du mariage. Leur accès est interdit à une veuve,  une divorcée aussi. La « cuddoowo » viendra donner un nom au futur bébé attendu du couple qui vient de se marier. Cette prérogative lui est reconnue.

Parlez-nous du « lal »

Par le passé, quand on annonçait le mariage d’une fille, sa maman achetait beaucoup de paquets de sucre et les distribuait aux voisins et parents. Le jour du mariage, ces derniers vont lui donner de l’argent et des cadeaux- qui peuvent être des bassines, des pagnes…

Le jour venu, les membres de la famille d’où part la mariée, étale des pagnes. Maintenant, c’est plutôt des nattes. Voilà ce qui est appelé « lal ». C’est sur ces nattes ou pagnes que les cadeaux seront reçus et les noms de ceux qui les ont apportés seront ostensiblement cités.

Quid du « caayo » ?

C’une veillée nocturne autour de chants à l’honneur de la mariée, faite à la veille de son mariage.

Quant au « Kakargol », c’est une façon de préparer la mariée à sa nouvelle vie conjugale. Lors de cet instant solennel, elle sera injuriée par les femmes qu’elle a trouvées là. Par ces moqueries et quolibets, on lui apprend à préparer la rivalité avec ses potentielles coépouses.

Entretenez-nous de la préparation du mariage chez la fille

Il y a plusieurs procédés chez les Peuls. Quand arrivait l’heure de sortir de chez elle pour rejoindre sa demeure conjugale, on exigeait à la fille de prendre des bains. Il lui était même interdit de passer par certains endroits. On lui couvrait le visage pendant au moins deux jours, tout cela s’est enfoui dans l’histoire.

Qu’est ce qui a changé dans la façon des Peuls de célébrer le mariage ?

Auparavant, tu ne pouvais même pas connaitre ton épouse, c’est ton papa qui allait faire toutes ces démarches et sceller l’union. Tu ne peux dévisager ta femme que deux jours après sa venue.

Aujourd’hui, tout a changé. On serait même tenté d’affirmer que c’est la fille qui va demander la main du garçon. Le griot, le « bambado » n’arrive plus à nourrir son violon, son « hoddou ». Quand il se met à chanter, sa voix se noie dans le brouhaha des tubes de la musique moderne. Un pan de notre tradition peule s’est écroulé.

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Article : Pape Cheikh Thiam, un acrobate politique
Le Gandiolais du mois
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15 avril 2013

Pape Cheikh Thiam, un acrobate politique

Dame ThiamL’ascension politique du président du Conseil rural de Ndiébène Gandiole n’a rien d’extraordinaire. Mais son histoire –qui s’écrit encore- n’est pas banale. Né en 1968, une année révolutionnaire qui a vu céder des interdits séculaires, Pape Cheikh Thiam entend restituer à la politique son sens originel : servir la Cité. Ses moyens sont limités, mais son désir d’action infini. Connaissance avec celui qui ne trouve aucun scrupule à déclamer que la politique est son sport de prédilection.

S’il est un passé qui ne passe pas, c’est bien celui de Pape Cheikh Thiam. A treize ans, une fêlure brutale et douloureuse s’opère dans sa vie : sa mère le quitte à jamais. Dame dont il parle avec amour et reconnaissance. Un regret d’autant plus amer qu’élu à la tête de sa communauté rurale, Thiam n’a su porter en triomphe une maman qui l’a forgé pendant de longues années.

Celui qui est devenu le premier PCR de Ndiébène Gandiole a eu une jeunesse bien pénible. Voilà ce qui a freiné son cursus scolaire en classe de sixième déjà. Sa mère aux conditions fort modestes n’a su continuer à financer ses études ainsi que celles de ses frères. L’enfant plie, mais ne rompt pas. Aujourd’hui encore, acharné plus que jamais à apprendre, Pape Cheikh trimbale avec des ouvrages. Et ce, précise-t-il, pour ne pas être mené par le bout du nez dans ses relations avec les autres où la maîtrise de ce que l’on avance s’avère une exigence fondamentale.

Dame Thiam a aussi été à l’école coranique. Il eut un marabout, à en juger par ce qui suit, d’une rare prévenance puisqu’il lui a donné la main de sa fille. Pape Cheikh est un polygame de deux épouses, père d’une fille.

De taille élancée, un style vestimentaire pas vraiment recherché, le pas encore alerte, Dame Thiam doit avoir quelque chose à voir avec un acrobate. Le repos est le cadet des soucis de ce PCR qui, du matin au soir, parle, gesticule, part d’un lieu à un autre sans jamais s’interrompre. Sa maison ne désemplit presque jamais, « assiégée » qu’elle reste par ses amis, de simples visiteurs quand ce ne sont des anonymes venus le consulter.  Toutes choses qu’il accepte en bonne logique : « Parfois, c’est un peu fatigant, mais je n’ai pas le droit de me plaindre parce que personne ne m’avait forcé (Ndlr, forcé à devenir PCR) ».

Thiam est d’une prodigalité sans bornes. Ses proches ne tarissent point d’éloges sur lui. Une générosité contrebalancée par une forte exigence dans le travail. Ses premières armes politiques décisives, il les a affûtées en tant qu’élu de la communauté rurale de Gandon, celle dont le Gandiol a longtemps dépendu avant de s’en affranchir –ou plutôt d’en être affranchie- en 2009. De là, il a acquis une solide expérience assortie d’une connaissance profonde de l’histoire du Gandiol qui ne se démentent jamais.

Très jeune, cet homme a porté la politique dans son cœur. Il se risque même à des maximes du genre « si vous ne voulez pas perdre, n’y entrez surtout pas ! ». C’est son sport préféré comme il le martèle, plus qu’un sport de préférence, c’est même d’un sport de combat qu’il s’agit.

L’idéologue du Parti Démocratique Sénégalais (PDS) exerçait un irrésistible attrait sur le jeune homme. Assoiffé d’engament qu’il est, Dame Thiam s’est laissé aller le plus simplement du monde. Abdoulaye Wade était devenu alors sa coqueluche, son inspirateur favori : « Vous savez, très tôt, nous avons suivi l’ancien président de la République Abdoulaye Wade. A chaque fois, quand nous le voyions apparaitre à la télévision, c’était toute une jeunesse qui l’accompagnait en scandant « Sopi, Sopi ». Ça  nous fascinait ».

Mais si la verve généreuse de son tribun à lui était déterminante dans son enrôlement au PDS, elle n’en était pas le seul facteur explicatif. Des liens de parenté forts rapprochent l’élève et le maître. Le premier est en effet le petit-fils de la sœur du second : Maréma Wade. Cette dernière est « la mère de ma mère, Maimouna Mbengue », explique l’actuel président du Conseil rural de Ndiébène Gandiole.

L’échéance électorale pour les locales est une perspective qui n’inquiète pas Pape Cheikh. Il est convaincu que les populations ont bien apprécié son travail depuis 2009 à la tête de la communauté rurale. Un souvenir ? Le 25 Mars 2012 quand Abdoulaye Wade s’est avoué vaincu au sortir de l’élection présidentielle, ça n’a vraiment pas surpris Pape Cheikh Thiam qui trouve que c’était prévisible en raison d’une polarisation de l’opposition contre la candidature du président de la République.   Reste à voir non pas l’avenir de son idéologue, mais son avenir propre dans un terroir où ses concurrents ne manquent pas.

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Article : Darou Salam, un exemple de bon voisinage
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15 avril 2013

Darou Salam, un exemple de bon voisinage

Entre les villages de Gniling Mbao et de Dégou-Niayes, aux alentours du fleuve Sénégal, juché sur une abondante bande de sable, Darou Salam transpire de la vie. Tout semble converger pour justifier le nom du village : la Cité de la paix. La brise de la mer s’ajoutant à celle du fleuve offre l’impression d’une rare douceur.

Au premier coup d’œil, des constructions inhabituelles distraient l’attention du visiteur. Mis à part des bâtiments que l’on rencontre dans tous les villages du Gandiol, ce qui distingue nettement l’habitation des Maures est leur gout réputé pour les « Khayma », faits d’un assemblage de plusieurs tissus harmonieusement reliés à l’aide de solides aiguilles pour que l’ouvrage soit durable. C’est dans-ou sous-cet édifice que la plupart des causeries diurnes se font, entrecoupées de tasses de thé siroté à tour de rôle. Au lever du jour, en plus du thé, il est servi du lait de chameau contenu dans des bouteilles d’un litre. Ces discussions ont aussi lieu aux moments entourant le repas à l’heure du repos. L’activité principale des Maures de Darou Salam gravite autour du commerce et de l’élevage. L’agriculture existe également même s’ils l’exercent le plus souvent à travers des saisonniers qu’ils emploient dans leurs champs.

En ce dimanche, aux dernières heures d’une après midi relativement chaude, l’ambiance est à la détente. Le vieux Bamba Fall, soixante- six ans, l’air abattu, vêtu d’un grand boubou bleu, est assis  dans la cour de sa maison. La cohabitation de l’ethnie dont il est issu avec les autres couches sociales du Gandiol est quelque chose qu’il a en grande estime. C’est non sans une apparente émotion qu’il retrace une histoire plus que centenaire marquée par des relations cordiales que ses parents et lui ont entretenue avec les Peuls et les Wolofs. D’une voix douce comme pour ne pas heurter les personnes qu’il évoque dans son témoignage, Fall rappelle que la bande qu’il formait avec ses camarades des autres ethnies a été nourrie au même lait maternel. Son récit est ponctué de percutantes anecdotes. C’est le cas lorsqu’il en arrive à la crise diplomatique entre le Sénégal et la Mauritanie, crise dont l’origine remonte au 9 avril 1989. Ce jour-la, un accrochage entre des bergers peuls mauritaniens et des paysans soninkés sénégalais allait envenimer un voisinage déjà précaire entre deux pays frères. Deux Sénégalais furent tués, plusieurs retenus en otage avec l’intervention de l’armée du voisin septentrional. Des souvenirs douloureux que charrie sa voix. Souvenirs d’autant plus pénibles que la suite de cette rixe  est une série de meurtres inconsidérés entre les deux voisins.

Le vieux Bamba n’a connu que le Gandiol : c’est là où il a vu le jour en 1947 même si, par la suite, il a séjourné dans la sous-région, notamment en Mauritanie et en Côte d’Ivoire avec un de ses amis d’enfance peul, Assane Kâ.  Il raconte que, dans un passé moins récent, les Maures n’entendaient aucunement convoler avec, par exemple, les Wolofs et les Peuls.  Mais ce tabou a fini par céder sous la poussée des brassages culturels à la mode. Toutefois, il précise que certains Maures n’avaient aucun scrupule à prendre le chemin de l’exil pour vivre en toute paix avec l’élu(e) de leur cœur. Pendant qu’il parlait, sa fille interrompt la discussion en lui apportant du lait dans une carafe.

Plus loin, Zeynab, la sœur du vieux Bamba, de près de six ans, sa cadette, assise sur une natte, devant sa porte.  Elle exhume elle aussi les souvenirs des confrontations raciales sénégalo-mauritaniennes de 1989. Au sujet du massacre des Maures par des Sénégalais, Zeynab martèle que « les Peuls et les Wolofs ont porté secours aux habitants de Darou Salam ». « Rien de dommageable ne nous était arrivé, si ce n’était le vol de notre bétail, modère-t-elle ». Le pas encore alerte, la moindre plissure sur le visage, elle semble moins jeune que les souvenirs qu’elle évoque. Zeynab confie que pendant un mois, les Maures de Darou Salam ont vécu dans la frayeur générale. Et ce, à cause surtout de la désertion du village par les jeunes qui travaillaient à Dakar et à Thiès et qui ont été embarqués pour la Mauritanie.  Il ne restait donc que des personnes âgées.  Mais Peuls et Wolofs ont volé à leur secours ainsi que les agents des eaux et forêts de la localité, qui, dès 17 heures, montaient la garde dans le village.

Ces témoignages sont accrédités par  les ethnies évoquées, à l’exception de ceux liés au vol de bétail. Néanmoins, c’est un démenti qui n’a pas l’allure d’une polémique, voire d’un sérieux. Les villageois parlent joyeusement de la crise de 1989 comme si elle n’avait pas laissé en eux des relents de désolation. Ce qui explique ce curieux état des choses, c’est que son évocation est l’occasion de se lancer des blagues du genre « telle ethnie a bien volé nos troupeaux ».

L’émotion de cette tragique césure raciale entre le Sénégal et la Mauritanie retombée, les relations sont au beau fixe à Gandiol. Une complicité existe entre ces différents acteurs renforcée par les liens que Bamba Fall décrivait plus haut. Des mariages exogamiques aux visites respectives en passant par les commerces communs qui rythment le quotidien de toutes ces ethnies, parler de réconciliation devient anachronique.

Situé entre trois infinis : l’infini du sable, l’infini du ciel et l’infini de l’eau fluviale, le village de Darou Salam, appelé aussi Lakhrar, charrie de la vie. De plus en plus métissés au contact des autres ethnies, ses habitants, quoique n’étant pas énarques, entretiennent une exemplaire diplomatie de bon voisinage avec les autres ethnies du Gandiol.

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Article : Le phonéticien Gabriel Marie Gueye, l’ange des mots
Reportages
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28 mars 2013

Le phonéticien Gabriel Marie Gueye, l’ange des mots

Photo: Ousmane Gueye
Photo: Ousmane Gueye

Il a marqué sans aucun doute les étudiants de deuxième année du Centre d’Etudes des Sciences et Techniques de l’Information (CESTI). Les mots ont fini par se conformer au rythme de cet enseignant de phonétique générale et expérimentale  qui sait les plier à la loi de l’enchainement et de la liaison. Avec Gabriel Marie Guèye, l’élocution peut compter sur un allié convaincu qu’il faut une exigence implacable dans nos rapports à la prononciation.  Ce  « vieillard » de cinquante sept ans, si attaché à Mozart, est un fervent admirateur du poète Léopold Sédar Senghor. Tous deux Sérères. Tous deux sortis des entrailles de la campagne, montés respectivement à Strasbourg et à Paris. Sauf que pour Gabriel, il était urgent de franchir l’Atlantique à destination du Sénégal après sa thèse de doctorat en phonétique. 

D’une personnalité lumineuse, le phonéticien ne manque jamais l’occasion de s’assurer de la clarté de ses explications. Avec des astuces qui font mouche, bien à lui, il sait transmettre l’essentiel sans déplaire. Jeux de mots et provocations sont au rendez-vous quand il le faut. Un jour, en classe, il nous a confié avoir regardé des nouveaux bacheliers à la télévision. Ces derniers furieux pour n’avoir toujours pas été reçus à l’université plaidaient leur cause en disant « nous, les non zorientés ». « C’est peut être le fait qu’ils aient mal prononcé qui explique justement leur non-orientation », sourit Gabriel Marie Guèye. Ce trait d’humour ravageur laisse découvrir ce côté gai de notre enseignant. Cette bonne humeur n’est que l’un des maillons de la « chaine artistique » du phonéticien. Un art dans la transmission du savoir focalisant l’attention des étudiants qui l’apprécient beaucoup.

Le pas faussement nonchalant, une taille avoisinant un mètre quatre-vingt-six, Gabriel Marie Guèye s’emploie à défier le temps. Quelques heures de jogging suffisent, pour ce faire, à ce fanatique du couscous. Un exercice qu’il s’impose sûrement pour se donner assez de santé et assumer ses charges coutumières à Mont-Rolland.  Cet enseignant de phonétique est un chef traditionnel, titre qu’il a hérité de son père. Dans cette communauté sérère, c’est au chef coutumier qu’incombe la délicate tâche d’arbitrer les conflits. Ce qui conduit Gabriel Marie Guèye à se rendre régulièrement à Fouloune, son village natal.

Sa carrière universitaire aurait été tout autre, celle d’un enseignant de français sûrement. Des études de langues anciennes l’y préparaient. Après son passage au Lycée Malick Sy de Thiès où il a obtenu un baccalauréat A1, Gabriel a été reçu au département des lettres classiques de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar.

C’est sans peine qu’il y a suivi des études de français, latin et grec jusqu’en maîtrise. Tout le prédestinait donc à l’enseignement dans les lycées jusqu’au jour où le hasard eut raison de ses attentes : « Je descendais de mon département et j’ai vu  sur une porte PHONETIQUE. J’y suis allé un peu par curiosité ».

Senghor, un modèle

Le jeune ressortissant de Fouloune, village situé à quinze kilomètres de Thiès, avait alors mordu à l’« hameçon de la phonétique » pour toujours.  Une riche trajectoire s’ouvrait lentement  à lui. A l’université, Gabriel ne s’ennuyait pas du nombre croissant de ses diplômes en linguistique, en langues anciennes comme en phonétique. Loin s’en faut. Ce qui lui a valu d’ailleurs l’obtention d’une bourse d’études étrangères de la part de Léopold Sédar Senghor. Sans l’avoir jamais demandé.

En ce temps, l’influence du premier agrégé de grammaire de toute l’Afrique était réelle sur les jeunes générations. Le mot d’ordre qui agitait l’époque, était en toute vraisemblance, l’émulation. De Cheikh Anta Diop à Cheikh Hamidou Kane, les modèles à suivre étaient légion. L’inspiration pour les bonnes conduites coulait de source. C’est ainsi qu’après sa thèse en phonétique à Strasbourg, l’ancien élève du Collège des Garçons de Mont-Rolland repartit aussitôt au pays avec ses condisciples sénégalais. La mode intellectuelle était au culte du patriotisme. Une ligne que Gabriel Marie Guèye dit être dictée par le fait que leurs bourses ont été financées par les masses indigentes de la profondeur des campagnes : paysans, maçons, éleveurs. « Dans ce cas, le seul choix qui se fût offert à nous était de revenir servir au pays », glisse-t-il.

Ce signe ne trompe pas. L’enseignant est d’une générosité désarmante. Il s’efface toujours  derrière une haute stature qui laisse découvrir un mariage harmonieux d’une chemise et d’un pantalon super cent.  C’est cela une de ses façons favorites de célébrer la simplicité.

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Auteur·e

L'auteur: Ousmane Gueye
Journaliste, blogueur, passionné de TIC et de sciences politiques

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