Le vieux Président et la provocation
Abdoulaye WADE doit bien avoir maille à partir avec le silence. En tout les cas, ce qui se dégage de lui, c’est cette impression. De ce point de vue, il n’est pas trop loin de ressembler à un animateur de radio, qui, pour éviter le vide d’antenne, met toujours de la musique. Chez WADE, cette musique s’appelle la provocation. Jamais, l’actuel locataire du palais de la République ne s’est distingué dans ce genre d’exercice qu’il passionne si curieusement.
Abdoulaye WADE méprise manifestement le silence. Les belles formules, le ton paisible, le respect à ses adversaires, la déférence à ses concitoyens, le grand théoricien de l’alternance politique en 2OOO donne la sensation de les fouler au pied.
Sa déclaration d’hier dans la capitale du rail (sur laquelle je reviendrais plus loin), réveille des résonances bien récentes. Me reviennent à l’esprit l’image du 14 Juillet quand il assénait sa célèbre phrase, devenue depuis, une chanson populaire : « ma waxoon, waxeet », entendez, « c’est moi qui avais dit, je me dédis » !
Mon constat, c’est que notre Président de la République prend rarement la parole en temps utile. Jamais, je ne l’ai entendu présenter officiellement ses condoléances aux familles endeuillées dans les violences politiques de ces derniers jours. Je n’ai pas entendu le Président, non plus, regretter la mort de Mamadou DIOP tué lâchement lors de la manifestation du M23. Le même jour, sur la RFM, l’information a été rapportée que des individus ont tiré à plusieurs reprises sur une ambulance (ce n’est pas un jeu de mot !).
Quelques heures après cela, voilà le Chef de l’Etat qui réagit à ces violences y compris ces morts. Il qualifia toutes ces convulsions politiques de « brise ».
Je ne crois pas que lui et son directoire de campagne aient bien mesuré la portée de sa déclaration d’hier à Thiès quand il a dit que c’est bien lui, Chef de l’Etat, Président de la République du Sénégal qui a donné l’ordre à la justice d’arrêter les poursuites contre Idrissa SECK. J’ai fait deux observations à ce propos que d’aucuns, par imprudence pourraient trouver comme trop banal (c’est vrai, au demeurant qu’à force de se répéter, en temps utile comme futile, que la parole présidentielle se ravale en discours anodin et plat !).
D’abord, ce qui se dégage de son propos d’hier dans la capitale du rail, c’est qu’il prend une affaire nationale pour une question personnelle : si Idrissa SECK devait être poursuivi, c’est au nom d’une surfacturation (entre autres, dit-on) s’étalant sur plusieurs milliards de francs CFA. Comment, lui, Président de la République, peut-il mettre fin à cette enquête volontairement ? C’est-à-dire, suivant sa propre volonté, son propre but et non selon ce que veulent les Sénégalais ?
L’autre interprétation (et pour moi, en raison du contexte, c’est la plus saisissante, sinon, la plus détonante), c’est que son propos suggère que nous avons une justice aux ordres. De là, qu’est ce qui nous garantirait que Cheikh Tidiane DIAKHATE et ses hommes n’ont pas agi selon l’injonction du Chef de l’Etat quant à la validation de sa candidature ? Je précise brièvement que je n’aborde pas les autres facteurs (dont on parle) qui inclinent à croire que le Conseil Constitutionnel a validé la candidature de WADE injustement.
Par extrapolation, qu’est-ce qui nous dit que toutes les décisions de cette justice sous WADE n’ont pas suivi la même injonction ? En tous les cas, ce qui est sûr au moins, c’est qu’Abdoulaye WADE est encore (c’est-à-dire une fois de plus !) jeté un pavé dans la marre.
Je me dis, observant WADE, agir et réagir, qu’il ne peut se départir de sa stature d’opposant. Il est toujours dans cet éternel rôle de provocateur. L’autre a-t-il eu tort de l’affubler du surnom d’ « opposant au pouvoir » ?