Vers le retour à l’ « état de nature » ?
Je suis très enthousiasmé d’avoir pu te lire, j’ai envie de dire en un tournemain. Je suis aussi ravi d’être encore en vie ( !) parce que la mort est partout par ces temps qui courent au Sénégal. Nous avons un Président de la République qui avait argumenté qu’il ne peut plus se présenter pour un troisième mandat (voir ce lien). Et voilà qu’il se dédit si tenacement en martelant que jamais il ne s’était exprimé sur une chose pareille. C’est la preuve, soit qu’il n’est plus conscient de ce qu’il dit, soit qu’il ne tient pas ses paroles. Et quoiqu’il puisse redire, il s’est déjà dédit en banalisant la parole jadis sacrée, sinon respectée d’un Président de la République.
Quelques gens ridicules ont longtemps – peut être qu’ils déchanteront maintenant- soutenu que ce vieil opposant est un des plus illustres esprits éclairés au monde. A quoi ils ajoutaient presque avec la même passion zélée que le Sénégal a enfin un économiste brillant au volant.
Eh bien, laisse moi les prendre au mot. Ce même « juriste chevronné » qu’il « messianise » a dit devant une caméra qu’il a verrouillé la Constitution. Objecteront-ils que c’est l’avis frivole d’un non spécialiste ? Je dois les plaindre et je m’imagine mal comment ils ont pu dire pareilles sottises aux limites de l’hérésie. Dans un pays « normal », la vindicte publique les aurait peut être contraints à l’exil ou au silence perpétuel. Néanmoins, ils doivent leur salut aux mauvais temps qui font que la parole perd de plus en plus de sa valeur. Et pour ma part, cela tient évidemment à une crise de plus en plus douloureuse de la pudeur dans mon chers pays.
Aujourd’hui qu’il s’est illustré si pitoyablement, voire si déloyalement, Abdoulaye Wade n’a qu’à tirer sa révérence.
Dans ton courriel, je m’attendais que tu t’exprimes sur le cas Marine Le Pen, j’allais dire le phénomène Marine Le Pen. Comme son vieux de père, elle ressasse les mêmes arguments « anti émigration » et à mon avis rétrogrades. Je sais qu’elle n’est pas très aimée des Français, mais pas très détestée non plus. Je ne quitte pas les sondages une seule seconde : je suis comme si c’était chez moi. Parce que ce qu’il faut dire très brièvement, c’est ce que le monde devenu un gros village (mais pas dans l’acception de Marshall Mccluhuan) est interconnecté à ce point que ce quand la France s’enrhume, tous les autres pays du monde sont amenés à éternuer.
C’est une donne pas très nouvelle qu’il faut prendre en compte. Je ne te fais pas une leçon en relations internationales, mais tu dois savoir que désormais rien n’est anodin, rien n’est insignifiant ; tout semble procéder d’un calcul.
Revenant au phénomène Marine Le Pen, je trouve, pour le dire un peu à la manière d’Emmanuel Todd (démographique et sociologue) qu’elle a le mérite de nous révéler cet autre visage – parmi mille- de nombre de gens aux idées extravagantes.
Serais-je coupable d’ingérence ?
Je m’arrête là en attendant de te relire très vite !